• Toi qui m’entends parler sans frayeur de la mort,
    Parce que ton amour te promet qu’elle endort,
    Et que le court sommeil commencé dans son ombre
    S’achève au clair pays des étoiles sans nombre,
    Reçois mon dernier vœu pour le jour où j’irai
    Tenter seul, avant toi, si ton amour dit vrai.

    Ne cultive au-dessus de mes paupières closes
    Ni de grands dahlias,...

  • Le dimanche, au Borgo, les femmes & les filles,
    Lasses d’avoir, six jours, traîné sous des guenilles,
    Étalent bravement un linge radieux ;
    Ce n’est plus le costume éclatant des aïeux :
    Quand le peuple vieillit, l’habit se décolore.
    Pourtant le rouge vif les réjouit encore :
    Elles font resplendir sur le brun de leur peau
    Des fichus qu’on dirait...

  • Je n’aime pas les maisons neuves,
    Leur visage est indifférent ;
    Les anciennes ont l’air de veuves
    Qui se souviennent en pleurant ;

    Les lézardes de leur vieux plâtre
    Semblent les rides d’un vieillard,
    Leurs vitres au reflet verdâtre
    Ont comme un triste & bon regard !

    Leurs portes sont hospitalières,
    Car ces barrières ont vieilli ;...

  • Saturne, Jupiter, Vénus, n’ont plus de prêtres.
    L’homme a donné les noms de tous ses anciens maîtres
    A des astres qu’il pèse et qu’il a découverts,
    Et le dernier des dieux dont le culte demeure,
    A son tour menacé, tremble que tout à l’heure
    Son nom ne serve plus qu’à nommer l’univers.

    Les paradis s’en vont ; dans l’immuable espace
    Le vrai monde élargi...

  •  
    Parfois à mon Passé je vais dire à l’oreille :
    « Je ne suis pas heureux, parlons des premiers jours. »
    Et le dormeur couché que ma prière éveille
    Se dresse avec lenteur en frottant ses yeux lourds.

    Puis joyeux, rajustant ses printaniers atours,
    Encore un peu lassé des fêtes de la veille,
    Il vole, et me conduit de merveille en merveille
    Sous...

  •  
    L’Humanité fragile a fait ses destinées.
    Cette race aux pieds blancs, aux tempes satinées,
    Laboure avec l’espoir d’un immense loisir,
    Plus grande sans bonheur que son Dieu sans désir.
    Cette vie éphémère, insatiable et tendre,
    Qui lui fut imposée, elle a su la défendre ;
    Et son dur créateur, l’affamant sans pitié,
    Père avare d’amour n’est père...

  • Le vase où meurt cette verveine
    D’un coup d’éventail fut fêlé ;
    Le coup dut effleurer à peine :
    Aucun bruit ne l’a révélé.

    Mais la légère meurtrissure,
    Mordant le cristal chaque jour,
    D’une marche invisible et sûre
    En a fait...

  •  

    Les jeunes filles

    Amis, amis, nous voilà grandes ;
    Nos jours ont changé de saison.
    Allez préparer vos offrandes,
    Allez suspendre les guirlandes
    À la porte...

  •  
    Après le départ des oiseaux,
    Les nids abandonnés pourrissent.
    Que sont devenus nos berceaux ?
    De leur bois les vers se nourrissent.

    Le mien traîne au fond des greniers,
    L’oubli morne et lent le dévore ;
    Je l’embrasserais...

  •  
    J’ai voulu tout aimer, et je suis malheureux,
    Car j’ai de mes tourments multiplié les causes ;
    D’innombrables liens frêles et douloureux
    Dans l’univers entier vont de mon âme aux choses.

    Tout m’attire à la fois et d’un attrait pareil :...