• Le petit ver luisant dans l’herbe
    S’allume cette fois encor
    À la même place ! Le cor
    Pleure au loin ; la nuit est superbe.

    Au doux âge où l’on est imberbe,
    Je l’admirais comme un trésor.
    — Le petit ver luisant dans l’herbe
    S’allume cette fois encor.

    Mais, dira le penseur acerbe :
    « Tout ce qui reluit n’est pas or ! »
    Moi, je...

  • Le cadavre du grand cheval
    Traîné par deux bœufs, dans la nuit,
    Racle et bat les pierres du val,
    Épine et broussaille après lui.

    Roide, en ce bas-fond sépulcral,
    Va squelette, d’horreur enduit,
    Le cadavre du grand cheval
    Traîné par deux bœufs, dans la nuit.

    Un falot, dansant, fantomal,
    Comme un feu follet, le conduit,
    Et, d’arbre en...

  • « C’que c’est ! j’me s’rais pas cru r’mariable…
    Et v’là que j’trouve un aut’ parti !
    D’avec moi l’diable était parti :
    Faut que j’me r’mette avec le Diable !

    Content d’êt’ plus qu’un, je me r’double.
    J’étais dans la paix, je m’retrouble.
    D’humeur et d’facons lib’ comm’ l’air,
    V’là que je m’reboucl’ dans les fers !

    Vous en comprenez ben l’...

  • Hélas oui ! longtemps, son malheur
    Lui fut prédit par ses alarmes.
    Mais, par ce temps ensorceleur
    De bruine dans la chaleur,
    Elle pose un peu sa douleur
    Comme un soldat pose ses armes.
    De l’azur moite il pleut des charmes !
    L’arc-en-ciel étend ses couleurs
    Sur la molle extase des fleurs,
    De l’eau, des frênes, et des charmes.
    Et,...

  • Au bas de la route inclinée,
    Où se croisent quatre chemins,
    Comme un grand fantôme sans mains
    Se dresse une croix surannée.

    Mais la farouche abandonnée
    Brave encor bien des lendemains,
    Au bas de la route inclinée
    Où se croisent quatre chemins.

    Et la croix manchote et minée,
    De l’âge des vieux parchemins,
    Épouvante les yeux humains...

  •  
    Fauves, couvrant l’horreur, le mystère et l’ennui,
    Tantôt pleines de jour, tantôt pleines de nuit,
              De murmures et de silences ;
    Hostiles au toucher comme des hérissons,
    Elles sont là, mêlant à d’éternels frissons
              D’interminables somnolences.

    Elles ont l’attitude et la couleur des bois :
    Aubépines, genêts, fougères, et...

  •  
    Il m’a déshabillée avec ses chauds regards,
    Et j’ai senti crouler tout mon rempart de linge,
    Lorsque ses yeux si clairs sur les miens si hagards
    Versaient l’amour de l’homme et l’impudeur du singe.

    Ses regards me disaient : « Que ta virginité
    « Frissonne de terreur et s’apprête au martyre ;
    « Je suis le chuchoteur de la perversité,
    « Et mon...

  •  
    Le cœur des vierges de vingt ans
    Est inquiet comme la feuille,
    Et tout leur corps aspire et cueille
    Les confidences du Printemps.

    Le jour, aux parfums excitants
    Du lilas et du chèvrefeuille,
    Le cœur des vierges de vingt ans
    Est inquiet comme la feuille.

    Le soir, sur le bord des étangs,
    Chacune rôde et se recueille,
    Et leur...

  •  
    Un jour que je pêchais dans sa rivière fraîche,
    Assis contre un bouleau qui brandillait au vent,
    Le vieux meunier Marchois par le discours suivant
    Sut me distraire de la pêche :

    « Voyez ! j’vis...

  • — « Alors, vous avez confiance
    Dans les effets du tabac ? — Oui ! »
    Dit le vieil homme épanoui,
    Tout goguenard d’insouciance.
    — « Ah ! ça fait si bonne alliance
    Chasse et tabac ! ça m’a produit
    De tuer mon lièvre aujourd’hui.
    Croyez-en mon expérience :
    Tâcher d’acquérir l’oubliance
    Du méchant regret qui vous cuit :
    Jamais ne donner...