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    Le bronze grave étreint de son sommeil pesant
    Ton corps au geste las et ta face verdie ;
    Et quelle douloureuse et douce tragédie
    T’a faite la statue où tu dors à présent ?

    Le marbre de ton socle est rouge et l’on y sent
    Partout la pourpre encor d’une tache agrandie ;
    Est-ce la flèche aiguë ou la hache hardie
    Qui t’a couchée ainsi plus belle...

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    Celui dont l’âme est triste et qui porte à l’automne
    Son cœur brûlant encor des cendres de l’été,
    Est le Prince sans sceptre et le Roi sans couronne
    De votre solitude et de votre beauté.

    Car ce qu’il cherche en vous, ô jardins de silence,
    Sous votre ombrage grave où le bruit de ses pas
    Poursuit en vain l’écho qui toujours le devance,
    Ce qu’il...

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    1842-1898.

    Ceux-ci, las dès l’aurore et que tenta la vie,
    S’arrêtent pour jamais sous l’arbre qui leur tend
    Sa fleur délicieuse et son fruit éclatant
    Et cueillent leur destin à la branche mûrie.

    Ceux-là, dans l’onyx dur et que la veine strie,
    Après s’être penchés sur l’eau la reflétant
    Dans la pierre vivante et qui déjà l’...

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    Ils dorment dans l’armure et couchés sur le dos,
    Leurs mains jointes, pourtant, ont l’air prêtes encore
    A l’épée, et leurs yeux que l’ombre eut peine à clore
    Goûtent sournoisement un sommeil sans repos.

    Et celui-là, debout, équestre, tout en haut
    Du pinacle ouvragé que son bronze décore,
    Semble guetter au loin quelque tragique aurore
    Que l’...

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    Le silence est peut-être une voix qui s’est tue
    Comme le dieu se tait debout en sa statue,
    Et par elle n’a plus de vivant aujourd’hui
    Que son ombre, au soleil, qui tourne autour de lui.
    Le silence est peut-être une voix qui sait tout
    Comme un dieu taciturne en son marbre debout,
    Dont le geste éternel fait signe qu’on écoute
    Ce que dira son...

  • Avec son perroquet, sa chienne et sa négresse
    Qui lui tend le peignoir et sèche l'eau du bain
    A son corps qui, plus blanc sous cette noire main,
    Cambre son torse souple où sa gorge se dresse,

    Elle a fait peindre aussi, pour marquer sa tendresse,
    Par humeur libertine ou caprice badin,
    Le portrait naturel de son singe africain
    Qui croque une muscade et...

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    L’Amour qui souriait en son bronze d’or clair
    Au centre du bassin qu’enfeuille, soir à soir,
    L’automne, a chancelé en se penchant pour voir
    En l’onde son reflet lui rire, inverse et vert.

    Le prestige mystérieux s’est entr’ouvert ;
    Sa chute, par sa ride, a brisé le miroir,
    Et dans la transparence en paix du cristal noir
    On l’aperçoit qui dort...

  • Au tocsin qui sonna la fuite de Varennes
    Et qui, de cloche en cloche, alla de bourg en bourg,
    Tu portais l'épaulette et le catogan court
    Et l'uniforme vert des Dragons de la Reine.

    Ton cheval pommelé en tirant sur les rênes
    Hennit dans l'air civique où grondait le tambour,
    Et tu partis, rêvant aussi le prompt retour,
    Étant bon gentilhomme et comme...

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    Penses-tu que ces fleurs, ces feuilles et ces fruits,
    Et cet âpre laurier plus amer que la cendre,
    Penses-tu que mes mains pour eux les aient cueillis ?

    Si j’ai mêlé tout bas à l’onde des fontaines
    Les larmes que leur eau pleure encore aujourd’hui,
    Crois-tu que j’ignorais combien elles sont vaines ?

    Si, debout, j’ai marché sur le sable changeant,...

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    Qu’un autre, en arrivant au soir de son destin,
    Voie au fond de sa vie, éclatant et hautain,
    Celui qu’il fut jadis et dont le pas sonore
    Sur la route parvient à son oreille encore
    Et dont il se rappelle avoir vécu les jours.
    La gloire a couronné son front heureux. L’amour
    Au laurier toujours vert mêle son myrte sombre
    Qui parfume la nuit et qui...