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    Emporte dans tes yeux la couleur de ses eaux.
    Soit que son onde lasse aux sables se répande
    Ou que son flot divers, mine, contourne ou fende
    La pierre qui résiste ou cède à ses travaux ;

    Car, sonore aux rocs durs et plaintif aux roseaux,
    Le fleuve, toujours un, qu’il gémisse ou commande,
    Dirige par le val et conduit par la lande
    La bave des...

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    Le noir lierre aux douces roses enlacé
    Décore le portique et son treillage vert,
    Et l’on voit s’entr’ouvrir le pétale de chair
    Près du feuillage en cœur qui vers lui s’est glissé ;

    Une amoureuse odeur de soir et de passé
    Se mêle au dur parfum terrestrement amer ;
    La fleur de sang sourit à la feuille de fer,
    Car de leur double poids son orgueil...

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    Oh ! quel farouche bruit font dans le crépuscule
    Les chênes qu’on abat pour le bûcher d’Hercule !
    VICTOR HUGO.

    Le bûcher dressé là pour ce nouvel Hercule,
    Emplit l’horizon rouge et le ciel empourpré ;
    Et la nuit s’illumine et tout entière brûle
    A l’ardente splendeur de ce couchant sacré.

    Au brasier fraternel où se tordent...

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    Le cheval gigantesque est debout ; un grand rire
    L’entoure. Entends grincer le câble qui le tire,
    Et la foule le traîne et le pousse au jarret.
    Un dard qui vibre encor tremble à son flanc secret,
    Et quel mystère noir lui gonfle ainsi la panse ?
    Obèse et monstrueux, il oscille et s’avance.
    Et chacun rit tout haut de la bête de bois.
    Le seul...

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    L’invariable buis et le cyprès constant
    Bordent l’allée égale et le parterre où songe
    Dans le bassin carré l’eau qui reflète et ronge
    Un Triton fatigué de sa conque qu’il tend ;

    En sa gaîne de pierre aussi l’hermès attend
    Que tourne autour de lui son socle qui s’allonge ;
    Un Pégase cabré, le pied pris dans sa longe,
    Lève un sabot de bronze et...

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    Décembre a noirci l’if et gelé le bassin,
    Le buis silencieux est saupoudré de givre,
    L’aurore est d’acier clair et le couchant de cuivre,
    Le vent, qui rôde, hurle et mord l’Amour au sein.

    La Déesse frissonne et le lierre assassin
    Étouffe la statue à la gorge. Un Faune ivre
    Voit l’outre se durcir, et son pas qui veut suivre
    La Nymphe, sent...

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    La terre est chaude encor de son passé divin.
    Les dieux vivent dans l’homme, ainsi que dans le vin
    L’ivresse couve, attend, palpite, songe et bout
    Avant de se dresser dans le buveur debout
    Qui sent monter en lui, de sa gorge à son front,
    Et d’un seul trait, sa flamme brusque et son feu prompt.
    Les dieux vivent en l’homme et sa chair est leur cendre....

  • La corde, le bûcher, le fagot, la potence,
    La flamme cauteleuse et le chanvre retors
    Ont guetté, tour à tour, les os de son vieux corps
    Que balafra la dague et coutura la lance;

    Et le voici, debout dans sa longue espérance;
    Avec l'âge qui vient il sent venir le port
    Car sa gorge a chanté au péril de la mort
    Les Psaumes de David dans la langue de...

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    L’île basse, parmi les eaux, isole en elle,
    Sous les pleurs du vieux saule et le frisson du tremble,
    Le pavillon carré dont la tristesse semble
    Enclore en son secret un silence fidèle.

    Par les vitres, on voit, qui se décharne, l’aile
    D’une harpe tendre ses cordes où il tremble
    Un peu du frôlement des doigts qui l’ont ensemble
    Fait vibrer...

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    Que pour d’autres l’amour rende triste l’aurore
    Du regret frissonnant d’avoir hier aimé !
    Pour nous, dans l’air palpite et se répand encore
    La ténébreuse odeur dont tu l’as parfumé.

    N’as-tu pas vu, en nous, se lever de l’étreinte
    Un dieu né de notre âme et fait de notre chair,
    Et qui, debout au seuil de la maison éteinte,
    En la jeune clarté...