• J’aimais ses cheveux noirs comme des fils de jais
    Et toujours parfumés d’une exquise pommade,
    Et dans ces lacs d’ébène où parfois je plongeais
    S’assoupissait toujours ma luxure nomade.

    Une âme, un souffle, un cœur vivaient dans ces cheveux
    Puisqu’ils étaient songeurs, animés et sensibles,
    Moi, le voyant, j’ai lu de bizarres aveux
    Dans le miroitement...

  •  
    En plein air, sans une épingle,
    Ils aiment à paresser,
    Et la brise qui les cingle
    A l'air de les caresser,
    Ils vont sous les branches torses
    Des vieux chênes roux et bruns,
    Et la feuille et les écorces
    Les grisent de leurs parfums.

    Dans la campagne déserte,
    Au fond des grands prés muets,
    Ils dorment dans l’herbe verte
    ...

  • Ma bonne chèvre limousine,
    Gentille bête à l’œil humain,
    J’aime à te voir sur mon chemin,
    Loin de la gare et de l’usine.

    Toi que la barbe encapucine,
    Tu gambades comme un gamin,
    Ma bonne chèvre limousine,
    Gentille bête à l’œil humain.

    Je vais à la ferme voisine,
    Mais je te jure que demain
    Tu viendras croquer dans ma main
    Du...

  • Le chien noir me poursuit dans l’orage
    À travers de hideux pays plats,
    Et tous deux, tristes comme des glas,
    Nous passons labour et pâturage.

    Il franchit buisson, mur et barrage…
    Et je n’ai pas même un échalas !
    Le chien noir me poursuit dans l’orage
    À travers de hideux pays plats.

    Et, songeant aux martyrs de la rage
    Qu’on étouffe entre...

  •  
    Il avait l’air hagard quand il entra chez moi,
    Et c’est avec le geste âpre, la face ocreuse,
    L’œil démesurément ouvert, et la voix creuse
    Qu’il me fit le récit suivant : Figure-toi

    Que j’errais au hasard comme à mon habitude,
    Enroulé dans mon spleen ainsi qu’en un linceul,
    Ayant l’illusion d’être absolument seul
    Au milieu de l’opaque et rauque...

  •  
    Chopin, frère du gouffre, amant des nuits tragiques,
    Âme qui fus si grande en un si frêle corps,
    Le piano muet songe à tes doigts magiques
    Et la musique en deuil pleure tes noirs accords.

    L’harmonie a perdu son Edgar Pœ farouche
    Et la mer mélodique un de ses plus grands flots.
    C’est fini ! le soleil des sons tristes se couche,
    Le Monde pour...

  • Non ! Ce n’est pas toujours le vent
    Qui fait bouger l’herbe ou la feuille,
    Et quand le zéphyr se recueille,
    Plus d’un épi tremble souvent.

    Soufflant le parfum qu’elle couve,
    Suant le poison sécrété,
    La fleur bâille à la volupté,
    Et dit le désir qu’elle éprouve.

    Certaines donnent le vertige
    Par le monstrueux de leur air,
    ...

  •  
    Le Ciel est le palais des Âmes
    Et des bonheurs éternisés :
    Là, joignant ses doigts irisés,
    La Vierge prie avec ses dames.

    Les Esprits y fondent leurs flammes,
    Les Cœurs s’y donnent des baisers !
    Le Ciel est le palais des Âmes
    Et des bonheurs éternisés.

    Sur l’aile pure des Cinnames
    Et des zéphyrs angélisés,
    Les corps blancs...

  • Le cimetière aux violettes
    Embaume tous les alentours.
    Les lézards y font mille tours
    Au parfum de ses cassolettes.

    Que de libellules follettes
    Y sont vaines de leurs atours !
    Le cimetière aux violettes
    Embaume tous les alentours.

    Et, champ de morts, nid de squelettes
    Qui trompe le flair des vautours,
    Il dort au bas des vieilles...

  •  
    L’Engoulevent rôdait avec la souris chauve,
    Lorsque sur la clairière au tapis verdoyant
    La lune décocha son sourire ondoyant
    Et mit à chaque feuille un glacis d’argent mauve.

    Et j’envoyais du fond de cette forêt fauve
    Un regard de mon cœur à l’astre chatoyant
    Qui promenait sur l’herbe un reflet vacillant
    Ainsi qu’une veilleuse au milieu d’une...