• Les nuits d'hiver quand le vent pleure,
    Se plaint, hurle, siffle et vagit,
    On ne sait quel drame surgit
    Dans l'homme ainsi qu'en la demeure.

    Sa grande musique mineure
    Qui, tour à tour, grince et mugit,
    Sur toute la pensée agit
    Comme une voix intérieure.

    Ces cris, cette clameur immense,
    Chantent la rage, la démence,
    La peur, le...

  • Après une chaleur si dure
    Tout se rafraîchit pour l'instant.
    La pluie est absorbée autant
    Par le roc que par la verdure.

    Terrains noirs, sillons bruns et roux,
    Prés et bois, les pentes, les trous,
    Toute la campagne qui songe
    S'en imbibe, la boit, l'éponge.

    Les pauvres herbes altérées,
    Les mousses du val, du coteau,
    La...

  • La biche brame au clair de lune
    Et pleure à se fondre les yeux :
    Son petit faon délicieux
    A disparu dans la nuit brune.

    Pour raconter son infortune
    A la forêt de ses aïeux,
    La biche brame au clair de lune
    Et pleure à se fondre les yeux.

    Mais aucune réponse, aucune,
    A ses longs appels anxieux !
    Et le cou tendu vers les cieux...

  • Ce frais matin tout à fait sobre
    De vent froid, de nuage errant,
    Est le sourire le plus franc
    De ce mélancolique octobre.

    Lumineusement, l'herbe fume
    Vers la cime des châtaigniers
    Qui se pâment - désenfrognés
    Par le soleil qui les rallume.

    Les collines de la bruyère,
    Claires, se montrent de plus près
    Leurs dégringolantes...

  • C'est l'heure où la nuit fait avec l'aube son troc.
    Dans un pays lugubre, en sa plus morne zone,
    Précipité, profond, massif comme le Rhône
    Un gave étroit, muet, huileux, mou dans son choc ;
    Sol gris, rocs, ronce, et là, parmi les maigres aunes,
    Les fouillis de chardons, les courts sapins en cônes.
    Des corbeaux affamés qui s'abattent par blocs !
    Ils...

  • Près du laboureur poitrinaire,
    Devant sa porte, au jour tombant,
    Est venu s'asseoir sur son banc
    Le patriarche centenaire.

    Et, comme le gars se désole,
    Dit qu'on va bientôt l'enterrer,
    L'ancêtre, pour le rassurer,
    Lui répond : " T'es jeun', ça m'console.

    Ton temps est pas v'nu d'dire adieu
    A tout' les bell' choses de la vie....

  • Tout le sol tondu ras des solitudes plates
    Dans un indéfini recul, toujours plus loin,
    S'étale montueux de ses meules de foin
    Où saigne le soleil croulé qui se dilate.

    Solennelle, pompeuse, avec la nuit qui poind,
    D'un morne extasié, leur masse rouge éclate,
    Puis, blêmissant, devient l'horizon spectre, et joint
    La ligne des cieux blancs de sa cime...

  • Qui les planta là, dans ces flaques,
    Au c?ur même de ces cloaques ?
    Aucun ne le sait, mais on croit
    Au surnaturel de l'endroit.

    Narguant les ans et les tonnerres,
    Les trois grands arbres centenaires
    Croissent au plus creux du pays,
    Aussi redoutés que haïs.

    A leur groupe un effroi s'attache.
    Nul n'oserait brandir sa hache
    Contre l'un...

  • Ce bon vieux pont, sous ses trois arches,
    En a déjà bien vu de l'eau
    Passer verte avec du galop
    Ou du rampement dans sa marche.

    Il connaît le pas, la démarche
    De l'errant qui porte un ballot,
    Du petit berger tout pâlot
    Et du mendiant patriarche.

    Au creux de ce profond pays,
    Entre ces grands bois recueillis
    Où l'ombre humide...

  • Le temps chauffe, ardent, radieux ;
    Le sol brûle comme une tôle
    Dans un four. Nul oiseau ne piaule,
    Tout l'air vibre silencieux...
    Si bien que la bergère a confié son rôle
    A son chien noir aussi bon qu'il est vieux.

    Posant son tricot et sa gaule,
    Elle ôte, à mouvements frileux,
    Robe, chemise, et longs bas bleus :
    Sa nudité sort de sa...