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    Mon œil halluciné conserve en sa mémoire
    Les reflets de la lune et des robes de moire,
    Les reflets de la mer et ceux des cierges blancs
    Qui brûlent pour les morts près des rideaux tremblants :
    Oui, pour mon œil épris d’ombre et de rutilance,
    Ils ont tant de souplesse et tant de nonchalance
    Dans leur mystérieux et glissant va-et-vient,
    Qu’après...

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    Avant son mariage, – ô souffrance mortelle ! –
    Elle me la donna sa chemise en dentelle,
    Celle qu’elle avait le doux soir
    Où, cédant à mes pleurs qui lui disaient : « Viens, Berthe ! »
    Près de moi haletant sur la couche entr’ouverte,
    ...

  • Le corps prostitué de la veuve infidèle
    Est maudit chaque nuit par un spectre blafard
    Dont l’œillade ironique et le baiser cafard
    Viennent la chatouiller comme un frôlement d’aile.

    En tous lieux, et toujours, aux mois de l’hirondelle,
    À l’époque du givre, au temps du nénufar,
    Le corps prostitué de la veuve infidèle
    Est maudit chaque nuit par un...

  • Plus de brise folle
    Sur les talus :
    La frivole
    Ne vole
    Plus !
    L’âpre soleil rissole
    Les grands fumiers mamelus.

    Plus d’oiseau loustic.
    Sur le roc rouge
    Très à pic
    L’aspic
    Bouge.
    L’homme dévale au bouge,
    L’insecte fait son tic tic.

    Le bois gigantesque
    A la stupeur
    D’une fresque.
    J’ai presque...

  • Quelle était donc, ainsi, tout de noir recouverte,
    Cette femme, là-bas, d’un si lugubre effet,
    En me croisant, m’ayant laissé voir qu’elle avait
    Le crâne dans du linge et la figure verte ?…

    Mais, verte ! de ce vert végétal, cru, blanc jaune,
    Comme un gros masque d’herbe et de feuilles de chou !
    Elle avait passé là, d’un pied de caoutchouc,
    Sans bruit...

  • Je dis à la bergère : « Où donc est ta bessonne !
    Oh ! mais, comme tu lui ressembles ! »
    La fille soupira : « Ma sœur est mort’ ! personne
    N’nous verra plus jamais ensemble.

    C’est vrai que j’suis...

  • Dans le crépuscule d’automne
    Ils reviennent, les petits veaux :
    Porcs, génisses, bœufs et chevaux
    Suivent la route monotone.

    De pauvres ânes qu’on bâtonne
    Hi-hannent par monts et par vaux.
    Dans le crépuscule d’automne
    Ils reviennent les petits veaux.

    Un troupeau bêlant qui s’étonne
    D’aller par des chemins nouveaux
    Creux et noirs...

  • Ses rires grands ouverts qui si crânement mordent
    Sur le fond taciturne et murmurant des prés,
    Sont métalliques, frais, liquides, susurrés,
    Aux pépiements d’oiseaux ressemblent et s’accordent.

    Excités par la danse, ils se gonflent, débordent
    En cascades de cris tumultueux, serrés,
    De hoquets glougloutants, fous et démesurés,
    Qui la virent, la plient,...

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    Rire nerveux et sardonique
    Qui fais grimacer la douleur,
    Et dont le timbre satanique
    Est la musique du malheur ;
     
    Rire du paria farouche,
    Quand, d’un geste rapide et fou,
    Il met le poison dans sa bouche
    Ou s’attache la corde au cou ;
     
    Rire plus amer qu’une plainte ;
    Plus douloureux qu’un mal aigu,
    Plus sinistre...

  •  
    Au plus creux du ravin où l’ombre et le soleil
    Alternent leurs baisers sur la roche et sur l’arbre,
    La rivière immobile et nette comme un marbre
    S’enivre de stupeur, de rêve et de sommeil.

    Plus d’un oiseau, dardant l’éclair de son plumage,
    La brûle dans son vol, ami des nénuphars ;
    Et le monde muet des papillons blafards
    Y vient mirer sa frêle...