•  
    Frissonnantes, ridant leur peau gris-pommelé
    Au moindre frôlement des zéphyrs et des mouches,
    Les pouliches, non loin des grands taureaux farouches,
    Trottinent sur les bords du pacage isolé.

    Dans ce vallon tranquille où les ronces végètent
    Et qu’embrume l’horreur des joncs appesantis,
    La sauterelle joint son aigre cliquetis
    Aux hennissements...

  • Ici jonc, coudrier, viorne,
    Enfants du roc et du marais,
    Sont les côtoyeurs toujours frais
    De leur rivière lente et morne.

    Or, voici qu’en forme de corne,
    Du haut des penchantes forêts,
    La lune, verte tout exprès,
    D’un nimbe émeraudé les orne.

    Un petit vent mystérieux
    Traverse d’un frisson pieux
    Le brin d’herbe, l’onde et la feuille...

  • Mai, le plus amoureux des mois,
    Fleurit et parfume les haies.
    Allons-nous-en dans les chênaies,
    Égarons-nous au fond des bois !
    Cherchons la source et les clairières,
    Dormons à l’ombre du bouleau ;
    Un bon soleil ami de l’eau
    Sourit aux flaques des carrières.

    Et tous deux nous nous enfonçons
    Dans la campagne ! et, champs, prairies,
    ...

  •  
    Ces prunelles bleu violet,
    Dans le buisson plein de murmures,
    N’ont qu’un terne et laiteux reflet
    Auprès du noir luisant des mûres ;
    Pas de guêpe au long corselet.

    Mais voici que maint oiselet
    S’éveille et descend des ramures
    Pour picorer, tant qu’il lui plaît,
            Ces prunelles.

    Comme des grains de chapelet,
    Elles...

  •  
    Au fond de cette fosse moite
    D’un perpétuel suintement,
    Que se passe-t-il dans la boîte,
    Six mois après l’enterrement ?

    Verrait-on encor ses dentelles ?
    L’œil a-t-il déserté son creux ?
    Les chairs mortes ressemblent-elles
    À de grands ulcères chancreux ?

    La hanche est-elle violâtre
    Avec des fleurs de vert-de-gris,
    Couleurs...

  • Ma bonne petite rainette,
    À toi ce rondel amical.
    — Le vent hurle comme un chacal
    Autour de notre maisonnette.

    — Elle te guigne, la minette,
    Du haut d’un vieux meuble bancal.
    Ma bonne petite rainette,
    À toi ce rondel amical.

    Ta monotone chansonnette
    N’a pourtant rien de musical ;
    Mais tu me plais dans ce bocal,
    Sur ton...

  •  
    Ce rasoir où la rouille a laissé son vestige
    Par le seul souvenir arrive à me troubler,
    Et sur lui, je ne peux jamais voir sans trembler
    L’atmosphère de sang qui plane ou qui voltige.

    Oui ! sa vue a pour moi je ne sais quel prestige !
    Il m’attire, il me cloue, il me fait reculer,
    Et va, quand je m’en sers, jusqu’à m’inoculer
    Un dangereux...

  • Ma chatte avait peur de cet énorme rat
    Qui toutes les nuits dévalisait l’armoire,
    Rongeait aussi bien le bois que le grimoire
    Et fourrait partout son museau scélérat.

    Lourd, il trottinait, fouilleur comme un verrat.
    Tout y passait : fil, toile, velours et moire !
    Ma chatte avait peur de cet énorme rat
    Qui toutes les nuits dévalisait l’armoire.

    ...
  •  
    Dans un creux sauvage et muet
    Qui n’est pas connu du bluet
    Ni de la chèvre au pied fluet
            Ni de personne,
    Loin des sentiers des bourriquots,
    Loin des bruits réveilleurs d’échos,
    Un fouillis de coquelicots
            Songe et frissonne.

    Autour d’eux, d’horribles étangs
    Ont des reflets inquiétants ;
    À peine si, de temps en...

  • Fixe, de la queue à la tête,
    La truie est là sur les cailloux.
    Auprès, une vieille à genoux,
    Gesticule, pleure et tempête.

    Et, mains au dos, plus d’un s’arrête,
    Supputant d’un air neutre et doux
    Combien de lard et de saindoux
    Pourrait fournir l’énorme bête,

    Quand le rebouteux de l’endroit,
    Rouge, empêché de marcher droit
    Par une...