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    La maladie est une femme
    Invisible comme un remord
    Qui flétrit, tout prêts pour la mort,
    La bouche rose et l’œil de flamme.

    Elle vous surprend dans sa trame
    Et vous plante sa dent qui mord.
    La maladie est une femme
    Invisible comme un remord.

    Qu’elle soit noble, étrange, infâme,
    Avec elle on a toujours tort !
    Elle vous vide,...

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    Je frissonne toujours à l’aspect singulier
    De certaine bottine ou de certain soulier.
    Oui, (que pour me railler vos épaules se haussent !)
    Je frissonne : et soudain, songeant au pied qu’ils chaussent
    Je me demande : « Est-il mécanique ou vivant ? »
    Et je suis pas à pas le sujet, l’observant,
    Et cherchant l’appareil d’acier qui se dérobe
    Sous le...

  • Ballonné de partout, englouti par la graisse
    Se façonnant en plis, fanons et bourrelets,
    Il portait gai, pesant ses trois cents bien complets,
    Le vineux monument de sa personne épaisse.

    Court, nez plat, petit œil encor rapetissé,
    Lobe d’oreille monstre, un teint violacé,
    Et, bossuant sa blouse, un vrai poinçon pour ventre :
    Tel était ce Merlot,...

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    Marchand d’habits ! Ta voix de cuivre et de rogomme
    Me surprend tout à coup, me hèle en tapinois ;
    Et toujours dans mon âme elle pénètre, comme
    Un fantôme canaille, ironique et sournois.

    Entouré de bouquins, devant mon cher pupitre,
    J’ai beau dompter le spleen et l'à-quoi-bon moqueur,
    Pour me martyriser ton cri perce ma vitre
    Et vient en...

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    Aux portes des cafés où s’attablent les vices,
    Elle va tous les soirs offrant des écrevisses
    Sur un petit clayon tapissé de persil.
    Elle a l’œil en amande orné d’un grand sourcil
    Et des cheveux frisés blonds comme de la paille.
    Or, ses lèvres en fleur qu’un sourire entre-bâille,
    Tentent les carabins qui fument sur les bancs,
    Et comme elle a des...

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    Toi, dont les longs doigts blancs de statue amoureuse,
    Agiles sous le poids des somptueux anneaux,
    Tirent la voix qui berce et le sanglot qui creuse
    Des entrailles d’acier de tes grands pianos,

    Toi, le cœur inspiré qui veut que l’Harmonie
    Soit une mer où vogue un chant mélodieux,
    Toi qui, dans la musique, à force de génie,
    Fais chanter les...

  • Cette mare, l’hiver, devient inquiétante,
    Elle s’étale au loin sous le ciel bas et gris,
    Sorte de poix aqueuse, horrible et clapotante,
    Où trempent les cheveux des saules rabougris.

    La lande tout autour fourmille de crevasses,
    L’herbe rare y languit dans des terrains mouvants,
    D’étranges végétaux s’y convulsent, vivaces,
    Sous le fouet invisible et...

  • Les corneilles et les margots
    Adorent ce pacage herbeux.
    En voilà des oiseaux verbeux
    Qui ne sont pas du tout nigauds !

    Aussi lents que des escargots,
    Çà et là paissent les grands bœufs.
    Les corneilles et les margots
    Adorent ce pacage herbeux.

    Là-bas, sur les tas de fagots,
    Et sur les vieux chênes gibbeux,
    Tout autour du marais...

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    La mariée est toute pâle,
    Aussi pâle que son bouquet,
    Lorsque la danse et le banquet
    Ont cessé dans la grande salle.

    Le père sourit d’un air mâle,
    Et la mère a l’œil inquiet.
    La mariée est toute pâle,
    Aussi pâle que son bouquet.

    — Plainte exquise, harmonieux râle,
    Interminable et doux hoquet ! —
    Aussi, quand le matin coquet...

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    Les marnières mornes et creuses
    Sont les gouffres jaunes des champs.
    Jamais de reptiles méchants
    Dans ces caves si peu pierreuses !

    Mais pour les grenouilles peureuses
    Quels marécages alléchants !
    Les marnières mornes et creuses
    Sont les gouffres jaunes des champs.

    L’aube y met ses clartés heureuses,
    Ses voix, ses rires et ses...