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    Le serpent est si vieux, si voisin de la mort,
    Qu’il ne sort presque plus de son triste repaire,
    Où, n’ayant désormais que l’ennui pour compère,
    Il végète enfoui comme un ancien remord.

    À la longue sa faim s’irrite et s’exaspère,
    Mais une herbe laiteuse et d’un facile abord
    Nourrit l’infortuné reptile qui se tord,
    Et lui verse l’oubli de son...

  • Par les ombres du crépuscule
    Et sous la lune de minuit,
    Qu’elle tristesse au fond du bruit
    Que la campagne inarticule,
    Et comme alors il vous poursuit
    De la ravine au monticule,
    Ce râle exhalé par l’ennui
    Des tourterelles !

    L’arbre s’effare et gesticule...

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    Entre la ronce et la caverne
    Un curé va pieusement ;
    Il porte le saint-sacrement
    Au moribond de la taverne.

    Devant ses pas une citerne
    Ébauche un affreux bâillement :
    Entre la ronce et la caverne
    Un curé va pieusement.

    Mais voilà que dans la nuit terne
    Une étoile subitement
    Se décroche du firmament,
    Et fait l’office de...

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    Le crâne des souffrants vulgaires
    Est un ciel presque jamais noir,
    Un ciel où ne s’envole guères
    L’abominable désespoir.

    Chaque nuage qui traverse
    En courant cet azur qui luit,
    Se crève en une douce averse
    Apaisante comme la nuit.

    Une pluie exquise de larmes
    Sans efforts en jaillit à flots,
    Éteignant le feu des alarmes...

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    Dans les yeux de l’Humanité
    La Douleur va mirer ses charmes.
    Tous nos rires, tous nos vacarmes
    Sanglotent leur inanité !

    En vain l’orgueil et la santé
    Sont nos boucliers et nos armes,
    Dans les yeux de l’Humanité
    La Douleur va mirer ses charmes.

    Et l’inerte Fatalité
    Qui se repaît de nos alarmes,
    Sourit à l’océan de larmes...

  • Voici l’heure où les ménagères
    Guettent le retour des bergères.
    Avec des souffles froids et saccadés, le vent
    Fait moutonner au loin les épaisses fougères
    ...

  • J’aimais ses cheveux noirs comme des fils de jais
    Et toujours parfumés d’une exquise pommade,
    Et dans ces lacs d’ébène où parfois je plongeais
    S’assoupissait toujours ma luxure nomade.

    Une âme, un souffle, un cœur, vivaient dans ces cheveux,
    Puisqu’ils étaient songeurs, animés et sensibles.
    Moi, le voyant, j’ai lu de bizarres aveux
    Dans le miroitement...

  •  
    Depuis que tu m’as quitté,
    Je suis hanté par tes lèvres,
    Inoubliable beauté !

    Dans mes spleens et dans mes fièvres,
    À toute heure, je les vois
    Avec leurs sourires mièvres ;

    Et j’entends encor la voix
    Qui s’en échappait si pure
    En disant des mots grivois.

    Sur l’oreiller de guipure
    J’évoque ton incarnat,
    Délicieuse...

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    Les lèvres des femmes pâmées
    Ont des sourires qui font peur
    Dans la convulsive torpeur
    Qui les tient à demi fermées.

    Quand leurs plaintes inanimées
    S’exhalent comme une vapeur,
    Les lèvres des femmes pâmées
    Ont des sourires qui font peur.

    Le désir qui les a humées
    Recule devant leur stupeur,
    Et le mystère enveloppeur
    ...

  • Sur le vieux mur qui se lézarde,
    Que de lézards gris ! ça fourmille !
    Quand je m’en vais dans la charmille,
    Toutes les fois je les regarde.

    L’un d’eux sur ma main se hasarde,
    Car moi, je suis de la famille.
    Sur le vieux mur qui se lézarde
    Que de lézards gris ! ça fourmille !

    Je n’ai point la mine hagarde
    Pour la bestiole gentille,
    ...