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    Le magique soleil sur les hauteurs pensives
    Fait luire et triompher tous ces grands linges blancs
    Qui, chevauchant leur corde au sortir des lessives,
    Y sèchent, tour à tour inertes et tremblants.

    Ils apparaissent purs, ardents, frais et joyeux,
    Au loin, flottant rappel des gloires printanières,
    Bleutés, rosés, baignés d’azur et de lumière,
    ...

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    Dans la vigne escarpée où maint pommier sauvage
    Crispe sur l’horizon ses bras tors et rugueux,
    Elles viennent s'abattre avec des vols fougueux,
    Cherchant la solitude et le friand breuvage.

    Or, sachant qu’avant peu l'on voudra vendanger,
    Et qu’il faudra bientôt que les pommes s’en aillent,
    Les grives, sans tarder, s’installent et ripaillent
    Au...

  • Ô fatale rencontre ! au fond d’un chemin creux
    Se chauffait au soleil, sur le talus ocreux,
    Un reptile aussi long qu’un manche de quenouille.
    Mais le saut effaré d’une pauvre grenouille
    Montrait que le serpent ne dormait qu’à moitié !
    Et je laissai, l’horreur étranglant ma pitié,
    Sa gueule se distendre et, toute grande ouverte,
    Se fermer lentement sur...

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    La goutte d’eau de l’Habitude
    Corrode notre liberté
    Et met sur notre volonté
    La rouille de la servitude.

    Elle infiltre une quiétude
    Pleine d’incuriosité :
    La goutte d’eau de l’Habitude
    Corrode notre liberté.

    Qui donc fertilise l’étude
    Et fait croupir l’oisiveté ?
    Qui donc endort l’adversité
    Et moisit la béatitude ?...

  • La Tristesse enfin devient bonne
    Quand l’ombre efface le passant
    Qui, sans vouloir être blessant,
    D’un regard crochu vous harponne.

    Dans le mystère de ces chants
    Et de ces murmures des champs,
    Dans ce silence qui marmonne,
    La Tristesse enfin devient bonne.

    Puis, de ses ors, de ses argents,
    Le soir pompeux vous environne,
    Par degrés...

  • À son tic tac mélancolique,
    La fermière écosse des pois.
    — La nuit noire comme la poix
    S’avance d’un pas diabolique.

    Cependant, qu’un chat famélique
    Guigne ses deux énormes poids,
    À son tic tac mélancolique,
    La fermière écosse des pois.

    Quand son tintement métallique
    Vibre dans sa cage de bois,
    Je frissonne un peu, mais je bois...

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    Par un soleil mourant dans d’horribles syncopes,
                 Mes spleens malsains
    Évoquaient sur mon cas les divers horoscopes
                 Des médecins.
    Partout la solitude inquiétante, hostile,
                 Où chaque trou
    Avait un mauvais cri d’insecte, de reptile
                 Et de hibou.
    J’étais dans un chemin désert, tenant du...

  • Nous sommes bien seuls au bas de cette côte !
    Bien seuls ! Et minuit qui tinte au vieux coucou !
    J’ai peur ! l’étranger m’inquiète beaucoup.
    Il quitte le feu, s’en rapproche, s’en ôte,

    Ne parle qu’à peine, et jamais à voix haute :
    Cet individu médite un mauvais coup !
    Nous sommes bien seuls au bas de cette côte !
    Bien seuls ! Et minuit qui tinte au...

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    Enténébrant l’azur, le soleil et les roses,
    Tuant tout, poésie, arômes et couleurs,
    L’ennui cache à mes yeux la vision des choses
    Et me rend insensible à mes propres malheurs.

    Sourd aux événements que le destin ramène,
    Je sens de plus en plus se monotoniser
    Les sons de la nature et de la voix humaine
    Et j’ai l’indifférence où tout vient se...

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    L’idiot vagabond qui charme les vipères
    Clopine tout le jour infatigablement,
    Au long du ravin noir et du marais dormant,
    Là-bas où les aspics vont par troupes impaires.

    Quand l’automne a teinté les verdures prospères,
    L’œil fixe, avec un triste et doux balancement,
    L’idiot vagabond qui charme les vipères
    Clopine tout le jour infatigablement...