• Des soirs, j’errais en lande hors du hameau natal,
    Perdu parmi l’orgueil serein des grands monts roses,
    Et les Anges, à flots de longs timbres moroses,
    Ébranlaient les bourdons, au vent occidental.

    Comme un berger-poète au cœur sentimental,
    J’aspirais leur prière en l’arôme des roses,
    Pendant qu’aux ors mourants, mes troupeaux de névroses
    ...

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    Entre ses doigts osseux roulant une ample bague,
    L’antiquaire, vieux Juif d’Alger ou de Maroc,
    Orfèvre, bijoutier, damasquineur d’estoc,
    Au fond de la boutique erre, pause et divague.

    Puis, des lampes de fer que frôle l’ombre vague
    S’approchant tout fiévreux, le moderne Shylock
    Recule, horrifié. Rigide comme un bloc
    Il semble au cœur...

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    En un fauteuil sculpté de son salon ducal,
    La noble Viennoise, en gaze violette,
    De ses doigts ivoirins, pieusement feuillette.
    Le vélin s’élimant d’un missel monacal.

    Et sa mémoire évoque, en rêve musical,
    Ce pauvre guitariste aux yeux où se reflète
    Le pur amour de l’art, qui, près de tablette
    Venait causer, humant des fleurs dans un bocal...

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    À la santé du rire ! Et j’élève ma coupe,
    Et je bois follement comme un rapin joyeux.
    Ô le rire ! Ha ! ha ! ha ! qui met la flamme aux yeux,
    Ce vaisseau d’or qui glisse avec l’amour en poupe !

    Vogue pour la gaieté de Riquet-à-la-Houppe !
    En bons bossus joufflus gouaillons pour le mieux.
    Que les bruits du cristal éveillent nos aïeux
    Du grand...

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    Certe, il ne faut avoir qu’un amour en ce monde,
    Un amour, rien qu’un seul, tout fantasque soit-il ;
    Et moi qui le recherche ainsi, noble et subtil,
    Voilà qu’il m’est à l’âme une entaille profonde.

    Elle est hautaine et belle, et moi timide et laid :
    Je ne puis l’approcher qu’en des vapeurs de rêve.
    Malheureux ! Plus je vais, et plus elle s’élève...

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    Ah ! la belle morte, elle repose...
    En Eden blanc son ange la pose.

    Elle sommeille emmi les pervenches,
    Comme en une chapelle aux dimanches.

    Les cheveux sont couleur de la cendre,
    Son cercueil, on vient de le descendre.

    Et ses beaux yeux verts que la mort fausse
    Feront un clair de lune en sa fosse.

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    Dans le boudoir tendu de choses de Malines
    Tout est désert ce soir, Emmeline est au bal.

    Seuls, des Camélias, en un glauque bocal
    Ferment languissamment leurs prunelles câlines.

    Sur des onyx épars, des bijoux et des bagues
    Croisent leurs mains reflets dans des boîtes d’argent.

    Tout pleure cette Absente avec des plaintes vagues.
    Le...

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    Au jour ou mon aïeul fut pris de léthargie,
    Par mégarde on avait apporté son cercueil;
    Déjà l’étui des morts s’ouvrait pour son accueil,
    Quand son âme soudain ralluma sa bougie.

    Et nos âmes, depuis cet horrible moment,
    Gardaient de ce cercueil de grandes terreurs sourdes;
    Nous croyions voir l’aïeul au fond des fosses lourdes,
    Hagard, et se...

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    Je rêve de marcher comme en conquistador,
    Haussant mon labarum triomphal de victoire,
    Plein de fierté farouche et de valeur notoire,
    Vers des assauts de ville aux tours de bronze et d’or.

    Comme un royal oiseau, vautour, aigle ou condor,
    Je rêve de planer au divin territoire,
    De brûler au soleil mes deux ailes de gloire
    À vouloir dérober le...

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    Prêtre, je suis hanté, c’est la nuit dans la ville,
    Mon âme est le donjon des mortels péchés noirs,
    Il pleut une tristesse horrible aux promenoirs
    Et personne ne vient de la plèbe servile.

    Tout est calme et tout dort. La solitaire Ville
    S’aggrave de l’horreur vaste des vieux manoirs.
    Prêtre, je suis hanté, c’est la nuit dans la ville;
    Mon âme...