• Je t'apporte, ô sommeil, du vin de quatre années
    Du lait, des pavots noirs aux têtes couronnées ;
    Veuille tes ailerons en ce lieu déployer,
    Tant qu'Alison, la vieille accroupie au foyer,
    Qui d'un pouce retors et d'une dent mouillée,
    Sa quenouille chargée a quasi dépouillée,
    Laisse choir le fuseau, cesse de babiller,
    Et de toute la nuit ne se puisse...

  • Ma nef passe au destroit d'une mer couroucée,
    Toute comble d'oubly, l'hiver à la minuict ;
    Un aveugle, un enfant, sans soucy la conduit,
    Desireux de la voir sous les eaux renversée.

    Elle a pour chaque rame une longue pensée
    Coupant, au lieu de l'eau, l'espérance qui fuit ;
    Les vents de mes soupirs, effroyables de bruit,
    Ont arraché la voile à leur...

  • Misérables travaux, vagabonde pensée,
    Soucis continuels, espoirs faux et soudains,
    Feintes affections, véritables dédains,
    Mémoire qu'une absence a bientôt effacée,

    Vraie et parfaite amour d'oubli récompensée,
    Aventureux désirs, mais follement hautains,
    Et vous de ma douleur messagers trop certains,
    Soupirs, qui donnez air à mon âme oppressée,
    ...

  • Je l'aimais par dessein la connaissant volage,
    Pour retirer mon coeur d'un lien fort dangereux,
    Aussi que je voulais n'être plus amoureux
    En lieu que le profit n'avançât le dommage.

    Je durais quatre mois avec grand avantage,
    Goûtant tous les plaisirs d'un amant bienheureux,
    Mais en ces plus beaux jours, ô destins rigoureux,
    Le devoir me força de...

  • Enfin les dieux bénins ont exaucé mes cris !
    La beauté qui me blesse, et qui tient mes esprits
    En langueur continue,
    Languit dedans un lit d'un mal plein de rigueur,
    Son beau teint devient pâle, et sa jeune vigueur
    Peu à peu diminue.

    Plus grand heur en ce temps ne pouvait m'advenir,
    Une heure en son logis on ne l'eût su tenir,
    Elle eût fait cent...

  • Icare est chu ici, le jeune audacieux,
    Qui pour voler au Ciel eut assez de courage :
    Ici tomba son corps degarni de plumage,
    Laissant tous braves coeurs de sa chute envieux.

    Ô bienheureux travail d'un esprit glorieux,
    Qui tire un si grand gain d'un si petit dommage !
    Ô bienheureux malheur, plein de tant d'avantage
    Qu'il rende le vaincu des ans...

  • Quand nous aurons passé l'Infernale rivière,
    Vous et moy pour nos maux damnez aux plus bas lieux,
    Moy pour avoir sans cesse idolâtré vos yeux
    Vous pour être à grand tort de mon coeur la meurtrière.

    Si je puis toujours voir votre belle lumière,
    Les éternelles nuits, les regrets furieux
    N'étonneront mon âme, et l'Enfer odieux
    N'aura point de douleur qui...

  • Nuict, mere des soucis, cruelle aux affligez,
    Qui fait que la douleur plus poignante est sentie,
    Pource que l'ame alors n'estant point divertie,
    Se donne toute en proie aux pensers enragez.

    Autre-fois mes travaux tu rendois soulagez,
    Et ma jeune fureur sous ton ombre amortie ;
    Mais, hélas ! ta faveur s'est de moy departie,
    Je sens tous tes pavots en...

  • Douce Liberté désirée,
    Déesse, où t'es-tu retirée,
    Me laissant en captivité ?
    Hélas! de moi ne te détourne !
    Retourne, ô Liberté ! retourne,
    Retourne, ô douce Liberté.

    Ton départ m'a trop fait connaître
    Le bonheur où je soulais être,
    Quand, douce, tu m'allais guidant :
    Et que, sans languir davantage,
    Je devais, si j'eusse été...

  • Sur les abymes creux des fondements poser
    De la terre pesante, immobile et féconde,
    Semer d'astres le Ciel, d'un mot créer le monde,
    La mer, les vents, la foudre à son gré maîtriser.

    De contrariétez tant d'accords composer,
    La matière difforme orner de forme ronde,
    Et par ta prévoyance en merveilles profonde,
    Voir tout, conduire tout, et de tout...