Théophile Gautier

  • Un oiseau siffle dans les branches
    Et sautille gai, plein d'espoir,
    Sur les herbes, de givre blanches,
    En bottes jaunes, en frac noir.

    C'est un merle, chanteur crédule,
    Ignorant du calendrier,
    Qui rêve soleil, et module
    L'hymne d'avril en février.
    ...

  • Deux fois je regarde ma montre,
    Et deux fois à mes yeux distraits
    L'aiguille au même endroit se montre ;
    Il est une heure... une heure après.

    La figure de la pendule
    En rit dans le salon voisin,
    Et le timbre d'argent module
    Deux coups vibrant comme un...

  • Pour que je t'aime, ô mon poëte,
    Ne fais pas fuir par trop d'ardeur
    Mon amour, colombe inquiète,
    Au ciel rose de la pudeur.

    L'oiseau qui marche dans l'allée
    S'effraye et part au moindre bruit ;
    Ma passion est chose ailée
    Et s'envole quand on la suit...

  • On admire les fleurs de serre
    Qui loin de leur soleil natal,
    Comme des joyaux mis sous verre,
    Brillent sous un ciel de cristal.

    Sans que les brises les effleurent
    De leurs baisers mystérieux,
    Elles naissent, vivent et meurent
    Devant le regard curieux....

  • Au mois d'avril, la terre est rose,
    Comme la jeunesse et l'amour ;
    Pucelle encore, à peine elle ose
    Payer le Printemps de retour.

    Au mois de juin, déjà plus pâle
    Et le coeur de désir troublé,
    Avec l'Eté tout brun de hâle
    Elle se cache dans le blé.
    ...

  • On ne voit en passant par les Landes désertes,
    Vrai Sahara français, poudré de sable blanc,
    Surgir de l'herbe sèche et des flaques d'eaux vertes
    D'autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc,

    Car, pour lui dérober ses larmes de résine,
    L'homme, avare bourreau...

  • Sur les tuiles où se hasarde
    Le chat guettant l'oiseau qui boit,
    De mon balcon une mansarde
    Entre deux tuyaux s'aperçoit.

    Pour la parer d'un faux bien-être,
    Si je mentais comme un auteur,
    Je pourrais faire à sa fenêtre
    Un cadre de pois de senteur,
    ...

  • La caravane humaine au Sahara du monde,
    Par ce chemin des ans qui n'a pas de retour,
    S'en va traînant le pied, brûlée aux feux du jour,
    Et buvant sur ses bras la sueur qui l'inonde.

    Le grand lion rugit et la tempête gronde ;
    A l'horizon fuyard, ni minaret, ni tour...

  • Ne me sois pas marâtre, ô nature chérie,
    Redonne un peu de sève à la plante flétrie
    Qui ne veut pas mourir ;
    Les torrents de mes yeux ont noyé sous leur pluie
    Son bouton tout rongé que nul soleil n'essuie
    Et qui ne peut s'ouvrir.

    Air vierge, air de cristal,...

  • Je veille, unique sentinelle
    De ce grand palais dévasté,
    Dans la solitude éternelle,
    En face de l'immensité.

    A l'horizon que rien ne borne,
    Stérile, muet, infini,
    Le désert sous le soleil morne,
    Déroule son linceul jauni.

    Au-dessus de la...