Lamartine

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    Du village de sa naissance, 3 juillet 1800.

    Pressentiments secrets, malheur senti d’avance,
    Ombre des mauvais jours qui souvent les devance,
    Instincts qui de ma mère annonciez le trépas,
    Je vous croyais trop peu : vous ne me trompiez pas !
    ...

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    J’étais le seul ami qu’il eût sur cette terre,
    Hors son pauvre troupeau ; je vins au presbytère
    Comme j’avais coutume, à la Saint-Jean d’été,
    À pied, par le sentier du chamois fréquenté,
    Mon fusil sous le bras et mes deux chiens en laisse,
    Fatigué de gravir...

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    Là, sans doute la mort avait fermé le livre.
    Je voulus engager la servante à me suivre,
    Elle me répondit en me montrant du doigt
    L'arbuste enraciné dans les fentes du toit :
    « A ces murs, comme lui, ma vie a pris racine,
    On me laissera bien vieillir sous...

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    Paris, 16 septembre 1800.

    J’ai ramené ma sœur aux bras de son époux.
    Que ce retour fut triste, et pourtant qu’il fut doux !
    Comme ces beaux enfants, sur ces genoux de femme,
    Des larmes au bonheur faisaient flotter cette âme !
    Sous la morne...

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    On eût dit que la mort avait fermé le livre ;
    Mais sa force à ce coup l’avait laissé survivre ;
    Et ce fut, je présume, à peu près vers ce temps
    Que je fis sa rencontre à la fin du printemps,
    Qu’un premier entretien confondit nos deux âmes,
    Et que, du...

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    Mais sous ses yeux fermés son cœur ne dormait pas :
    Elle eût rêvé Cédar sous la main du trépas.
    L’amour qui l’embrasait pour le céleste esclave
    Dans ses veines d’enfant roulait des flots de lave.
    Sa tempe dans son front ne pouvait s’assoupir,
    Sa respiration...

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    Ainsi ces deux époux, seuls, possesseurs d’un monde,
    Suivaient jour après jour leur route vagabonde,
    Avaient devant leurs pas l’univers tout entier,
    Et, sans but que l’amour, s’y traçaient leur sentier.
    Ils semblaient seulement dans leur marche pressée
    De...

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    « Vieux Liban ! » s’écria le céleste vieillard
    En s’essuyant les yeux que voilait un brouillard,
    Pendant que le vaisseau courant â pleines voiles
    Faisait glisser nos mâts d’étoiles en étoiles,
    Et qu’à l’ombre des caps du Liban sur la mer
    L’harmonieuse proue...

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    La nuit, pleine de crime et de flambeaux rougie,
    Roulait avec horreur ses astres sur l’orgie.
    Les constellations, du haut du firmament,
    Regardaient cette scène avec étonnement,
    Admirant comment Dieu, dans son profond mystère.
    Laissait monter si haut les...

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    A chaque acte infernal de ce lugubre drame,
    Le visage des dieux montrait leur joie infâme.
    On lisait sur leurs fronts, moites de cruauté,
    Que- la douleur humaine était leur volupté,
    Et plus ce jeu féroce outrageait la nature,
    Plus l’applaudissement égalait...