Jean Lahor

  • Les êtres pour le Sage ont l'aspect de fantômes ;
    Vaine agitation de forces et d'atomes,
    Un mouvement sans but tourmente l'univers,
    Que sans but réfléchit l'eau calme de mes vers.

  • Tout est mensonge : aime pourtant,
    Aime, rêve et désire encore ;
    Présente ton coeur palpitant
    À ces blessures qu'il adore.

    Tout est vanité : crois toujours,
    Aime sans fin, désire et rêve ;
    Ne reste jamais sans amours,
    Souviens-toi que la vie est brève....

  • Le sage aime la paix et la douceur des plantes,
    Leurs regards féminins et leur sérénité,
    Et le sage aime aussi les bêtes nonchalantes
    Qui dorment près de lui dans l'immobilité.

    Le soir, quand il succombe au lourd poids de la vie,
    Qu'il est las de penser et de rêver...

  • Ô nuit, ô belle nuit, pâle comme sa chair :
    Je rêve au passé mort, je rêve au passé clair...

    Je revois ta chair pâle, et rêve aux heures mortes,
    Où notre joie, où notre extase étaient si fortes !

    Le rossignol des nuits d'alors ne chante plus :
    Je songe à tes...

  • La nuit splendide et bleue est un paon étoilé
    Aux milliers d'yeux brillants comme des étincelles,
    Qui fait la roue et marche, ou vole et bat des ailes
    Devant ton trône, Allah, à nos regards voilé.

  • Je suis l'Ancien, je suis le Mâle et la Femelle,
    L'Océan d'où tout sort, où tout rentre et se mêle ;
    Je suis le Dieu sans nom, aux visages divers ;
    Je suis l'Illusion qui trouble l'univers.
    Mon âme illimitée est le palais des êtres ;
    Je suis l'antique Aïeul qui n'a pas...

  • Le vent criait, le vent roulait ses hurlements,
    L'Océan bondissait le long de la falaise,
    Et mon âme, devant ces épouvantements,
    Et ces larges flots noirs, respirait plus à l'aise.

    La lune semblait folle, et courait dans les cieux,
    Illuminant la nuit dune clarté...

  • Au cygne frissonnant qui la vient embraser
    Elle offre son beau corps robuste sans comprendre :
    Des Immortels naîtront de ce muet baiser,
    Et la forme d'Hélène en ce flanc va descendre.

    Et par l'étrange éclat des soirs mystérieux
    C'est ainsi que toujours la stupide...

  • Ma pensée est sereine et rêve parfumée,
    Comme la chambre heureuse où dort ma bien-aimée :

    Large fleur au coeur blanc qui parfume la nuit,
    La lune sur l'étang du ciel s'épanouit.

    Ma pensée est sereine et rêve caressée
    D'une odeur de santal que ta chair m'a...

  • Le soleil est ma chair, le soleil est mon coeur,
    Le coeur du ciel, mon coeur saignant qui vous fait vivre,
    Le soleil, vase d'or, où fume la liqueur
    De mon sang, est la coupe où la terre s'enivre.

    Les astres sont mes yeux, mes yeux toujours ouverts,
    Toujours dardant...