Ma belle languissait dans sa funeste couche

Ma belle languissait dans sa funeste couche
Où la mort ces beaux yeux de leurs traits désarmait,
Et le feu dans sa moëlle allumé consumait
Les lys dessus son front, les roses sur sa bouche.

L'air paraissait autour tout noir des nuits funèbres
Qui des jours de la vie éteignent le flambeau
Elle perdait déjà son corps dans le tombeau,
Et sauvait dans le Ciel son âme des ténèbres.

Toute la terre était de deuil toute couverte
Et son reste de beau lui semblait odieux :
L'âme même sans corps semblait moins belle aux Dieux,
Et ce qu'ils en gagnaient leur semblait une perte.

Je le sus, et soudain mon coeur gela de crainte
Que ce rare trésor ne me fût tout ravi :
S'il l'eût été, je l'eusse incontinent suivi,
Ainsi que l'ombre suit une lumière éteinte.

Notre fortune enfin de toutes parts poussée,
A force de malheur fut prête à renverser
Ma belle en se mourant, et moi pour me presser
Moi-même de ce mal dont elle était pressée.

L'Amour, qui la voyait cruellement ravie,
S'enflamme de colère à voir mourir son feu,
Accourt tout aussitôt, en trouve encore un peu,
L'évente de son aile, et lui donne la vie...

Collection: 
1576

More from Poet

  • Si tant de maux passez ne m'ont acquis ce bien,
    Que vous croyez au moins que je vous suis fidelle,
    Ou si vous le croyez, qu'à la moindre querelle
    Vous me faciez semblant de n'en plus croire rien ;

    Belle, pour qui je meurs, belle, pensez vous bien
    Que je ne sente...

  • Voulez-vous voir ce traict qui si roide s'eslance
    Dedans l'air qu'il poursuit au partir de la main ?
    Il monte, il monte, il perd : mais helas ! tout soudain
    Il retombe, il retombe, et perd sa violence.

    C'est le train de noz jours, c'est ceste outrecuidance
    Que ces...

  • Mon Soleil qui brillez de vos yeux dans mes yeux,
    Et pour trop de clarté leur ôtez la lumière,
    Je ne vois rien que vous, et mon âme est si fière
    Qu'elle ne daigne plus aimer que dans les cieux.

    Tout autre amour me semble un enfer furieux
    Plein d'horreur et de mort...

  • Ma belle languissait dans sa funeste couche
    Où la mort ces beaux yeux de leurs traits désarmait,
    Et le feu dans sa moëlle allumé consumait
    Les lys dessus son front, les roses sur sa bouche.

    L'air paraissait autour tout noir des nuits funèbres
    Qui des jours de la...

  • Mais si faut-il mourir ! et la vie orgueilleuse,
    Qui brave de la mort, sentira ses fureurs ;
    Les Soleils haleront ces journalieres fleurs,
    Et le temps crevera ceste ampoule venteuse.

    Ce beau flambeau qui lance une flamme fumeuse,
    Sur le verd de la cire esteindra...