Le monde est lumineux, la brise est fraîche et pure,
Le Rosier sur sa tige étale ses joyaux,
Au ciel monte le chant primitif des oiseaux.
Tout enfin rend hommage au Dieu de la Nature.
Sous ton œuvre admirable et ces rameaux d’été
Chargés de fleurs s’inclinant jusqu’à terre.
Je me prosterne, et t’adore en prière
Toi qui créas la Rose et Moi dans ta bonté.
Tu ne nous quittes pas. Ta robe de lumière
Effleure doucement de ses plis onduleux
Le bel arbre odorant au contour gracieux,
Tandis que ses boutons entr’ouvrent leur paupière.
Ton nom sur chaque feuille, aussi sur chaque fleur
Se trouve écrit : ta sagesse éternelle
Se voit aussi qui fait là sentinelle
Dans l’épine crochue, arme de la pudeur.
Et tandis qu’en ouvrant son sein la jeune Rose
Avec amour répand ses doux parfums pour moi,
À tes pieds prosterné, moi je t’adore Toi
Qui fis la Rose un jour …. Toi l’effet et la cause !
C’était sur le bord escarpé
D’un vase où l’art chinois étalait ses merveilles,
Que Sélima pensive en frôlant ses oreilles,
Se prélassait non loin d’un canapé.
Elle regardait la caline
Du lac la gentille piscine.
Emblême de contentement
Son éloquente queue a révélé sa joie ;
Sa patte de velours, doucement se déploie,
L’eau la reflète – et son miaulement
Semble dire : “ Que je suis belle !
Que je suis belle damoiselle ! ”
Elle se mirerait encor……
Mais voilà qu’à ses yeux sous des formes étranges
Divinités du lac apparaissent deux anges ;
Leur armure est d’écailles sur fond d’or.
Sans oublier son point de mire,
Notre Sélima les admire.
Et puis elle étend tout d’abord,
Le poil de sa moustache, et puis après la patte,
Et puis se rapetisse ainsi qu’un acrobate,
Et puis s’allonge, et cela jusqu’au bord,
Pour attraper si belle proie
Elle cherche à se frayer voie.
Du poisson !… pour un tel butin
Chatte ferait ce que pour de l’or fait la femme !…
Elle allongea les doigts, soit dit sans épigramme
Sur le rebord…. Et puis dans le bassin
Tomba tête en avant…. le Diable
Rit d’un rire incommensurable !
Huit fois elle surgit de l’eau,
Huit fois elle invoqua Neptune et les Naïades,
Huit fois eu dépit d’elle, elle but huit rasades,
Huit fois enfin elle appela son beau,
Rien ne vint – ni Tom, ni Suzanne !…
Il lui manqua même sœur Anne !…
Apprenez donc, jeunes Beautés
Qu’un faux pas n’est jamais fait qu’avec une entorse,
Qu’audace est bien souvent prélude de divorce,
Que tous désirs ne sont pas voluptés,
Et que le clinquant, d’aventure,
N’a de l’or que la couverture
Es-tu donc bien parti ?… Je croyais dans mon âme
Sentir de ton regard la douce et pure flamme,
Cependant que mon corps devant ton nom muet
En extase, pensif et frémissant restait.
L’imagination me créait les merveilles
Du lac, – et de ces vers le doux fruit de tes veilles.