Quand les feux du soleil inondent la nature,
Quand tout brille à mes yeux et de vie et d'amour,
Si je vois une fleur qui s'ouvre, fraîche et pure,
Aux rayons d'un beau jour ;
Si des troupeaux joyeux bondissent dans la plaine,
Si l'oiseau chante au bois où je vais m'égarer,
Je suis triste et de deuil me sens l'âme si pleine
Que je voudrais pleurer.
Mais quand je vois sécher l'herbe de la prairie,
Quand la feuille des bois tombe jaune à mes pieds,
Quand je vois un ciel pâle, une rose flétrie
En rêvant je m'assieds.
Et je me sens moins triste et ma main les ramasse,
Ces feuilles, ces débris de verdure et de fleurs.
J'aime à les regarder, ma bouche les embrasse...
Je leur dis : O mes soeurs !
N'est-elle pas ma soeur cette feuille qui tombe,
Par un souffle cruel brisée avant le temps ?
Ne vais-je pas aussi descendre dans la tombe,
Aux jours de mon printemps ?
Peut-être, ainsi que moi, cette fleur expirante,
Aux ardeurs du soleil s'ouvrant avec transport,
Enferma dans son sein la flamme dévorante
Qui lui donna la mort.
Il le faut, ici-bas tout se flétrit, tout passe.
Pourquoi craindre un destin que chacun doit subir ?
La mort n'est qu'un sommeil. Puisque mon âme est lasse,
Laissons-la s'endormir.
Ma mère !... Oh ! par pitié, puisqu'il faut que je meure,
Amis, épargnez-lui des chagrins superflus,
Bientôt elle viendra vers ma triste demeure,
Mais je n'y serai plus.
Et toi, rêve adoré de mon coeur solitaire,
Belle et rieuse enfant que j'aimais sans espoir,
Ton souvenir en vain me rattache à la terre ;
Je ne dois plus te voir.
Mais si pendant longtemps, comme une image vaine,
Mon ombre t'apparaît... oh ! reste sans effroi :
Car mon ombre longtemps doit te suivre, incertaine
Entre le ciel et toi.
Juin 1839