Nise était dans son aurore,
Et sur son sein agité,
Déjà commençaient d'éclore
Les trésors de la beauté :
Sur ses lèvres demi-closes
Erraient déjà les soupirs,
Comme autour des jeunes roses
On voit voler les zéphyrs.
Nise avait vu le feuillage
Seize fois naître et mourir :
Silvandre était du même âge ;
C'est l'âge heureux du plaisir :
Ils s'aimaient d'amour si tendre,
Qu'on doutait, voyant leurs feux,
Qui de Nise ou de Silvandre
Etait le plus amoureux.
Dès que Nise était absente,
Tout affligeait son amant :
Loin de lui, sa jeune amante
Souffrait le même tourment :
Ils allaient aux mêmes plaines
Faire paître leur troupeau,
Buvaient aux mêmes fontaines,
Dansaient sous le même ormeau.
Si l'un chantait un air tendre,
L'autre aimait à le chanter :
Nise, en écoutant Silvandre,
Sentait son coeur palpiter :
Silvandre était dans l'ivresse,
En l'écoutant à son tour,
Et l'interrompait sans cesse
Par des baisers pleins d'amour.
Mais un jour, Nise frissonne,
Ses yeux se mouillent de pleurs,
Et son âme s'abandonne
À de secrètes terreurs.
Hélas ! dit-elle, je tremble,
Et ne fais que soupirer !
Nous sommes si bien ensemble !
Faudrait-il nous séparer ?
Dans l'instant, le ciel se couvre :
Un voile épais noircit l'air,
Et du nuage qui s'ouvre
Sortent la foudre et l'éclair :
Nise éperdue et tremblante,
Tient son amant dans ses bras,
Et la flèche étincelante
Donne à tous deux le trépas.
Ils reposent sous l'ombrage,
Où le ciel finit leurs jours ;
Sur les arbres du bocage
On a gravé leurs amours ;
Et sur la tombe paisible
Qui contient ces tendres coeurs,
Souvent un berger sensible
Aime à répandre des fleurs.