Dans la cuisine où flotte une senteur de thym,
Au retour du marché, comme un soir de butin,
S?entassent pêle-mêle avec les lourdes viandes
Les poireaux, les radis, les oignons en guirlandes,
Les grands choux violets, le rouge potiron,
La tomate vernie et le pâle citron.
Comme un grand cerf-volant la raie énorme et plate
Gît fouillée au couteau, d?une plaie écarlate.
Un lièvre au poil rougi traîne sur les pavés
Avec des yeux pareils à des raisins crevés.
D?un tas d?huîtres vidé d?un panier couvert d?algues
Monte l?odeur du large et la fraîcheur des vagues.
Les cailles, les perdreaux au doux ventre ardoisé
Laissent, du sang au bec, pendre leur cou brisé ;
C?est un étal vibrant de fruits verts, de légumes,
De nacre, d?argent clair, d?écailles et de plumes.
Un tronçon de saumon saigne et, vivant encor,
Un grand homard de bronze, acheté sur le port,
Parmi la victuaille au hasard entassée,
Agite, agonisant, une antenne cassée.
La cuisine
More from Poet
-
En juillet, quand midi fait éclater les roses,
Comme un vin dévorant boire l?air irrité,
Et, tout entier brûlant des fureurs de l?été,
Abîmer son coeur ivre au gouffre ardent des choses.Voir partout la vie, une en ses métamorphoses,
Jaillir ; et l?Amour, nu comme... -
Mon coeur est un beau lac solitaire qui tremble,
Hanté d'oiseaux furtifs et de rameaux frôleurs,
Où le vol argenté des sylphes bleus s'assemble
En un soir diaphane où défaillent des fleurs.La lune y fait rêver ses pâleurs infinies ;
L'aurore en son cristal baigne... -
Partout la mer unique étreint l'horizon nu,
L'horizon désastreux où la vieille arche flotte ;
Au pied du mât penchant l'Espérance grelotte,
Croisant ses bras transis sur son coeur ingénu.Depuis mille et mille ans pareils, le soir venu,
L'Ame assise à la barre,... -
Oh ! Écoute la symphonie ;
Rien n'est doux comme une agonie
Dans la musique indéfinie
Qu'exhale un lointain vaporeux ;D'une langueur la nuit s'enivre,
Et notre coeur qu'elle délivre
Du monotone effort de vivre
Se meurt d'un trépas langoureux....
-
Les désespoirs sont morts, et mortes les douleurs.
L'espérance a tissé la robe de la terre ;
Et ses vieux flancs féconds, travaillés d'un mystère,
Vont s'entr'ouvrir encor d'une extase de fleurs.Les temps sont arrivés, et l'appel de la femme,
Ce soir, a retenti...