La Mort et le Bûcheron

Un pauvre Bûcheron tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
Gémissant et courbé marchait à pas pesants,
Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.
Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur,
Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
Le créancier, et la corvée
Lui font d'un malheureux la peinture achevée.
Il appelle la mort, elle vient sans tarder,
Lui demande ce qu'il faut faire
C'est, dit-il, afin de m'aider
A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère.
Le trépas vient tout guérir ;
Mais ne bougeons d'où nous sommes.
Plutôt souffrir que mourir,
C'est la devise des hommes.

Collection: 
1658

More from Poet

  • La Bique allant remplir sa traînante mamelle
    Et paître l'herbe nouvelle,
    Ferma sa porte au loquet,
    Non sans dire à son Biquet :
    Gardez-vous sur votre vie
    D'ouvrir que l'on ne vous die,
    Pour enseigne et mot du guet :
    Foin du Loup et de sa race !
    ...

  • Certain Païen chez lui gardait un Dieu de bois,
    De ces Dieux qui sont sourds, bien qu'ayants des oreilles.
    Le païen cependant s'en promettait merveilles.
    Il lui coûtait autant que trois.
    Ce n'étaient que voeux et qu'offrandes,
    Sacrifices de boeufs couronnés de...

  • Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
    Et de tous les côtés au Soleil exposé,
    Six forts chevaux tiraient un Coche.
    Femmes, Moine, vieillards, tout était descendu.
    L'attelage suait, soufflait, était rendu.
    Une Mouche survient, et des chevaux s'approche ;
    ...

  • Me voici rembarqué sur la mer amoureuse,
    Moi pour qui tant de fois elle fut malheureuse,
    Qui ne suis pas encor du naufrage essuyé,
    Quitte à peine d'un voeu nouvellement payé.
    Que faire ? mon destin est tel qu'il faut que j'aime
    On m'a pourvu d'un coeur peu content...

  • Désormais que ma Muse, aussi bien que mes jours,
    Touche de son déclin l'inévitable cours,
    Et que de ma raison le flambeau va s'éteindre,
    Irai-je en consumer les restes à me plaindre,
    Et, prodigue d'un temps par la Parque attendu,
    Le perdre à regretter celui que j'ai...