Que ton fruit de sang qui loge en mon sein
Soit pareil, amour, à ton être humain,
Que le petit nid ombreux qui se ferme
Pour envelopper et mûrir le germe
Sente remuer ta plus jeune enfance
Comme elle le fit dans l'avant-naissance
Au flanc maternel en un temps lointain.
Et que ce soit toi, dans mon doux jardin,
Ô mon bien-aimé, qui bouges, piétines ;
Que pour toi le lait pèse à ma poitrine,
Que je sente en moi la genèse humaine
De ton être mâle et que tu me tiennes
Au sein, lourd de chair, mon intime noeud.
Que dans mon secret s'éveillent tes yeux
Nébuleux d'abord et d'une eau troublée,
Puis fraîcheur d'un astre à l'aube étonnée.
Que ce soit ta bouche en fleur d'églantine
Qui bâille un parfum d'haleine enfantine,
Que ce soit, amour, tes petites mains
Qui pressent mon coeur d'un toucher câlin,
Comme les chatons de leurs frêles pattes
Pétrissent sans voir les tétins de chatte.
Que je sache ainsi comment ta pensée
Fut rêveusement dans l'oeuf caressée,
Comment se forma ton goût des baisers,
Ton génie humain encore effacé
Dressant faiblement sa jeune envolée ;
Que ta forme en moi réduite et bercée
Me révèle enfin quel rêve en ton coeur
S'attriste aujourd'hui et quel frais bonheur
De vivre agitait tes jambes légères
Lorsque tu bougeais au sein de ta mère.
Oh ! tenir en moi, fruit d'âme et de chair,
Notre enfant, ton sang, ton coeur et tes nerfs,
De ton abandon forme rajeunie,
Te sentir, amour, éclos de ma vie,
Te bercer, t'aimer, te garder vivant,
Couché tout à moi au creux de mon flanc !
Que ton fruit de sang qui loge en mon sein
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