Le Chrétien mourant

Qu'entends-je ? autour de moi l'airain sacré résonne !
Quelle foule pieuse en pleurant m'environne ?
Pour qui ce chant funèbre et ce pâle flambeau ?
Ô mort, est-ce ta voix qui frappe mon oreille
Pour la dernière fois ? eh quoi ! je me réveille
Sur le bord du tombeau !

Ô toi ! d'un feu divin précieuse étincelle,
De ce corps périssable habitante immortelle,
Dissipe ces terreurs : la mort vient t'affranchir !
Prends ton vol, ô mon âme ! et dépouille tes chaînes.
Déposer le fardeau des misères humaines,
Est-ce donc là mourir ?

Oui, le temps a cessé de mesurer mes heures.
Messagers rayonnants des célestes demeures,
Dans quels palais nouveaux allez-vous me ravir ?
Déjà, déjà je nage en des flots de lumière ;
L'espace devant moi s'agrandit, et la terre
Sous mes pieds semble fuir !

Mais qu'entends-je ? au moment où mon âme s'éveille,
Des soupirs, des sanglots ont frappé mon oreille ?
Compagnons de l'exil, quoi ! vous pleurez ma mort ?
Vous pleurez ? et déjà dans la coupe sacrée
J'ai bu l'oubli des maux, et mon âme enivrée
Entre au céleste port !

Collection: 
1830

More from Poet

  • Sur les ruines de Rome.

    Un jour, seul dans le Colisée,
    Ruine de l?orgueil romain,
    Sur l?herbe de sang arrosée
    Je m?assis, Tacite à la main.

    Je lisais les crimes de Rome,
    Et l?empire à l?encan vendu,
    Et, pour élever un seul homme,
    L?univers si bas...

  • Ainsi, quand l'aigle du tonnerre
    Enlevait Ganymède aux cieux,
    L'enfant, s'attachant à la terre,
    Luttait contre l'oiseau des dieux;
    Mais entre ses serres rapides
    L'aigle pressant ses flancs timides,
    L'arrachait aux champs paternels ;
    Et, sourd à la voix...

  • (A un poète exilé)

    Généreux favoris des filles de mémoire,
    Deux sentiers différents devant vous vont s'ouvrir :
    L'un conduit au bonheur, l'autre mène à la gloire ;
    Mortels, il faut choisir.

    Ton sort, ô Manoel, suivit la loi commune ;
    La muse t'enivra de...

  • A Mme de P***.
    Il est pour la pensée une heure... une heure sainte,
    Alors que, s'enfuyant de la céleste enceinte,
    De l'absence du jour pour consoler les cieux,
    Le crépuscule aux monts prolonge ses adieux.
    On voit à l'horizon sa lueur incertaine,
    Comme les...

  • C'est une nuit d'été ; nuit dont les vastes ailes
    Font jaillir dans l'azur des milliers d'étincelles ;
    Qui, ravivant le ciel comme un miroir terni,
    Permet à l'oeil charmé d'en sonder l'infini ;
    Nuit où le firmament, dépouillé de nuages,
    De ce livre de feu rouvre...