À Étienne Carjat.
Jeune fille du caboulot,
De quel pays es-tu venue
Pour étaler ta gorge nue
Aux yeux du public idiot ?
Jeune fille du caboulot,
Il te déplaisait au village
De voir meurtrir, dans le bel âge
Ton pied mignon par un sabot.
Jeune fille du caboulot,
Tu ne pouvais souffrir Nicaise
Ni les canards qu’encor niaise
Tu menais barboter dans l’eau.
Jeune fille du caboulot,
Ne penses-tu plus à ta mère,
À la charrue, à ta chaumière ?...
Tu ne ris pas à ce tableau.
Jeune fille du caboulot,
Tu préfères à la charrue
Écouter les bruits de la rue
Et nous verser l’absinthe à flot.
Jeune fille du caboulot,
Ta mine rougeaude était sotte,
Je t’aime mieux ainsi, pâlotte,
Les yeux cernés d’un bleu halo.
Jeune fille du caboulot,
Dit un sermonneur qui t’en blâme,
Tu t’ornes le corps plus que l’âme,
Vers l’enfer tu cours au galop.
Jeune fille du caboulot,
Que dire à cet homme qui plaide
Qu’il faut, pour bien vivre, être laide,
Lessiver et se coucher tôt ?
Jeune fille du caboulot,
Laisse crier et continue
À charmer de ta gorge nue
Les yeux du public idiot.