« Pourquoi faut-il qu’à tous les yeux
« Le destin m’ait cachée au sein touffu de l’herbe,
« Et qu’il m’ait refusé, de ma gloire envieux,
« La majesté du lis superbe ?
« Ou que n’ai-je l’éclat vermeil
« Que donne le printemps à la rose naissante,
« Quand, dans un frais matin, les rayons du soleil
« Ouvrent sa robe éblouissante ?
« Peut-être pourrais-je en ces lieux
« Captiver les regards de la jeune bergère
« Qui traverse ces bois, et, d’un pied gracieux,
« Foule la mousse bocagère.
« Avant qu’on m’eût vu me flétrir,
« Je me serais offerte à ses beaux doigts d’albâtre ;
« Elle m’eût respirée, et j’eusse été mourir
« Près de ce sein que j’idolâtre.
« Vain espoir ! on ne te voit pas ;
« On te dédaigne, obscure et pâle violette !
« Ton parfum même est vil ; et ta fleur sans appas
« Mourra dans ton humble retraite. »
Ainsi, dans son amour constant,
Soupirait cette fleur, amante désolée ;
Quand la bergère accourt, vole, et passe en chantant ;
La fleur sous ses pas est foulée.
Son disque, à sa tige arraché,
Se brise et se flétrit sous le pied qui l’outrage ;
Il perd ses doux parfums, et languit desséché
Sur la pelouse du bocage.
Mais il ne fut pas sans attrait
Ce trépas apporté par la jeune bergère,
Et l’on dit que la fleur s’applaudit en secret
D’une mort si douce et si chère.