C’est moi seul que je veux charmer en écrivant
Les rêves bienheureux que me dicte le vent,
Les souvenirs que j’ai des baisers de sa bouche,
De ses yeux, ciels troublés où le soleil se couche,
Des frissons que mon cou garde de ses bras blancs,
De l’abandon royal qui me livrait ses flancs.
Or que le vent discret fait chuchoter les chênes
Et que le soleil soûle, aux clairières prochaines,
Vipères et lézards endormis dans le thym,
Couché sur le sol sec, je pense au temps lointain.
Je me dis que je vois encor le ciel, et qu’Elle
Âme superbe, fleur de beauté, splendeur frêle,
Arrivée après moi, s’en est allée avant.
Et j’écoute les chants tristes que dit le vent.
La mouche désœuvrée et la fourmi hâtive
Ne veulent pas qu’aux bois l’on rêve et l’on écrive ;
Aussi les guêpes, les faucheux, les moucherons...
Je vais, le long des blés, cueillir des liserons
À la suavité mystérieuse, amère,
Comme le souvenir d’une joie éphémère.
Les champs aussi sont pleins d’insectes affairés,
Foule de gens de tous aspects, de tous degrés.
Noir serrurier, en bas, le grillon lime et grince.
Le frelon, ventru comme un riche de province,
Prend les petites fleurs entre ses membres courts.
Les papillons s’en vont à leurs brèves amours
Sous leurs manteaux de soie et d’or. La libellule
Effleure l’herbe avec un dédain ridicule.
C’est la ville.
Et je pense à la ville, aux humains,
Aux fiers amis, aux bals où je pressais ses mains ;
Malgré que la bêtise et l’intrigue hâtive
N’y souffrent pas non plus qu’on rêve et qu’on écrive.