Le Sonnet des mains


Blanches, ayant la chair délicate des fleurs,
On ne peut pas ſavoir que les mains ſont cruelles.
Pourtant l’âme ſe ſèche & ſe flétrit par elles ;
Elles touchent nos yeux pour en tirer des pleurs.

Le lait pur & la nacre ont formé leurs couleurs ;
Un peu de roſe fait qu’elles ſemblent plus belles.
Les veines, réſeau fin de bleuâtres dentelles,
En viennent affleurer les plaſtiques pâleurs.

Si frêles ! qui pourrait redouter leurs careſſes ?
Les mains, filets d’amour que tendent les maîtreſſes,
Prennent notre penſée & prennent notre cœur.

Leur claire beauté ment & leurs chaînes ſont ſûres ;
Et ma fierté ſubit, ainſi qu’un mal vainqueur,
Les mains, les douces mains qui nous font des bleſſures.

Collection: 
1869

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