La Retraite

 
Je sommeillais sans rêve,
Comme Écho dans mes bois :
Mais qu'une voix s'élève,
Soudain la mienne achève;
Un sou me rend la voix.

Que celle qui m'éveille
A de touchants concerts !
Jamais à mon oreille
Harpe ou lyre pareille
N'enchanta ces déserts,

Depuis l'heure charmante
Où le servant d'amour,
Sa harpe sous sa mante,
Venait pour une amante
Soupirer sous la tour.

C'est la voix fraîche et pure
D'un enfant des cités,
Qui, las de leur murmure,
Demande à la nature
Des jours plus abrités ;

Un toit où se repose
L'ombre des bois épais,
Un ruisseau qui l'arrose,
Et le buisson de rose
Où l'oiseau chante auprès ;

L'uniforme habitude
Qui lie au jour le jour,
Point de gloire ou d'étude,
Rien que la solitude,
La prière et l'amour.

Ah! ton rêve est un rêve,
Ami; ce rien est tout!
Ta vie a trop de sève ;
Mais attends, l'âge enlève
L'ivresse et le dégoût.

Plus, hélas ! sur la terre
L'homme compte de jours,
Plus la route est sévère,
Et plus le cœur resserre
Sa vie et ses amours.

Fuis ces champs de bataille
Où l'insecte pensant
S'agite et se travaille
Autour d'un brin de paille
Qu'écrase le passant !

Je sais sur la colline
Une blanche maison;
Un rocher la domine,
Un buisson d'aubépine
Est tout son horizon.

Là jamais ne s'élève
Bruit qui fasse penser ;
Jusqu'à ce qu'il s'achève
On peut mener son rêve
Et le recommencer.

Le clocher du village
Surmonte ce séjour;
Sa voix, comme un hommage,
Monte au premier nuage
Que colore le jour.

Signal de la prière,
Elle part du saint lieu,
Appelant la première
L'enfant de la chaumière
A la maison de Dieu.

Aux sons que l'écho roule
Le long des églantiers,
Vous voyez l'humble foule
Qui serpente et s'écoule
Dans les pieux sentiers :

C'est la pauvre orpheline,
Pour qui le jour est court,
Qui déroule et termine,
Pendant qu'elle chemine,
Son fuseau déjà lourd ;

C'est l'aveugle que guide
Le mur accoutumé,
Le mendiant timide,
Et dont la main dévide
Son rosaire enfumé;

C'est l'enfant qui caresse
En passant chaque fleur,
Le vieillard qui se presse :
L'enfance et la vieillesse
Sont amis du Seigneur!

La fenêtre est tournée
Vers le champ des tombeaux,
Où l'herbe moutonnée
Couvre, après la journée,
Le sommeil des hameaux.

Plus d'une fleur nuance
Ce voile du sommeil ;
Là tout fut innocence,
Là tout dit : « Espérance ! »
Tout parle de réveil.

Mon oeil, quand il y tombe,
Voit l'amoureux oiseau
Voler de tombe en tombe,
Ainsi que la colombe
Qui porta le rameau ;

Ou quelque pauvre veuve,
Aux longs rayons du soir,
Sur une pierre neuve,
Signe de son épreuve,
S'agenouiller, s'asseoir,

Et, l'espoir sur la bouche,
Contempler du tombeau,
Sous les cyprès qu'il touche,
Le soleil qui se couche
Pour se lever plus beau.

Paix et mélancolie
Veillent là près des morts,
Et l'âme recueillie
Des vagues de la vie
Croit y toucher les bords.

 
Je sommeillais sans rêve,
Comme Écho dans mes bois :
Mais qu'une voix s'élève,
Soudain la mienne achève;
Un sou me rend la voix.

Que celle qui m'éveille
A de touchants concerts !
Jamais à mon oreille
Harpe ou lyre pareille
N'enchanta ces déserts,

Depuis l'heure charmante
Où le servant d'amour,
Sa harpe sous sa mante,
Venait pour une amante
Soupirer sous la tour.

C'est la voix fraîche et pure
D'un enfant des cités,
Qui, las de leur murmure,
Demande à la nature
Des jours plus abrités ;

Un toit où se repose
L'ombre des bois épais,
Un ruisseau qui l'arrose,
Et le buisson de rose
Où l'oiseau chante auprès ;

L'uniforme habitude
Qui lie au jour le jour,
Point de gloire ou d'étude,
Rien que la solitude,
La prière et l'amour.

Ah! ton rêve est un rêve,
Ami; ce rien est tout!
Ta vie a trop de sève ;
Mais attends, l'âge enlève
L'ivresse et le dégoût.

Plus, hélas ! sur la terre
L'homme compte de jours,
Plus la route est sévère,
Et plus le cœur resserre
Sa vie et ses amours.

Fuis ces champs de bataille
Où l'insecte pensant
S'agite et se travaille
Autour d'un brin de paille
Qu'écrase le passant !

Je sais sur la colline
Une blanche maison;
Un rocher la domine,
Un buisson d'aubépine
Est tout son horizon.

Là jamais ne s'élève
Bruit qui fasse penser ;
Jusqu'à ce qu'il s'achève
On peut mener son rêve
Et le recommencer.

Le clocher du village
Surmonte ce séjour;
Sa voix, comme un hommage,
Monte au premier nuage
Que colore le jour.

Signal de la prière,
Elle part du saint lieu,
Appelant la première
L'enfant de la chaumière
A la maison de Dieu.

Aux sons que l'écho roule
Le long des églantiers,
Vous voyez l'humble foule
Qui serpente et s'écoule
Dans les pieux sentiers :

C'est la pauvre orpheline,
Pour qui le jour est court,
Qui déroule et termine,
Pendant qu'elle chemine,
Son fuseau déjà lourd ;

C'est l'aveugle que guide
Le mur accoutumé,
Le mendiant timide,
Et dont la main dévide
Son rosaire enfumé;

C'est l'enfant qui caresse
En passant chaque fleur,
Le vieillard qui se presse :
L'enfance et la vieillesse
Sont amis du Seigneur!

La fenêtre est tournée
Vers le champ des tombeaux,
Où l'herbe moutonnée
Couvre, après la journée,
Le sommeil des hameaux.

Plus d'une fleur nuance
Ce voile du sommeil ;
Là tout fut innocence,
Là tout dit : « Espérance ! »
Tout parle de réveil.

Mon oeil, quand il y tombe,
Voit l'amoureux oiseau
Voler de tombe en tombe,
Ainsi que la colombe
Qui porta le rameau ;

Ou quelque pauvre veuve,
Aux longs rayons du soir,
Sur une pierre neuve,
Signe de son épreuve,
S'agenouiller, s'asseoir,

Et, l'espoir sur la bouche,
Contempler du tombeau,
Sous les cyprès qu'il touche,
Le soleil qui se couche
Pour se lever plus beau.

Paix et mélancolie
Veillent là près des morts,
Et l'âme recueillie
Des vagues de la vie
Croit y toucher les bords.

Collection: 
1810

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