J’ai tout perdu ! mon enfant par la mort,
Et, dans quel temps ! mon ami par l’absence ;
Je n’ose dire, hélas ! par l’inconstance :
Ce doute est le seul bien que m’ait laissé le sort.
Mais, cet enfant, cet orgueil de mon âme,
Je ne le devrai plus qu’aux erreurs du sommeil :
De ses beaux yeux j’ai vu mourir la flamme,
Fermés par le repos qui n’a point de réveil.
Comme échappé du ciel, il passa dans le monde ;
D’un ange il y montra la forme et les attraits.
Pour payer ce moment de douceur sans seconde,
Mes pleurs doivent couler pour ne tarir jamais !
Tu t’es enfui, doux trésor d’une mère,
Gage adoré de mes tristes amours ;
Tes beaux yeux, en s’ouvrant un jour à la lumière,
Ont condamné les miens à te pleurer toujours.
À mes transports tu venais de sourire ;
Mes bras tremblants entouraient ton berceau ;
Le sommeil me surprit dans cet heureux délire . . .
Je m’éveillai sur un tombeau.
Moment affreux dont je suis obsédée,
Pour vous tracer je n’ai ni force ni voix.
Faut-il le perdre, à toute heure, en idée !
Mon Dieu ! pour en mourir c’est assez d’une fois !
C’est ici, sous ces fleurs, qu’il m’attend, qu’il repose ;
C’est ici que mon cœur se consume avec lui.
Amour, plains-tu les maux où ton délire expose ?
Non, tu nous fuis, ingrat, quand le bonheur a fui.