Printemps et cinématographie mêlés

Les immeubles sont neufs ; les verres d’eau sont clairs.
J’endure pour guérir un régime sévère.
Allons au Bois si ça m’amuse :
J’y rencontre parfois la Muse !
Les bourgeons, c’est amer comme un lit d’hôpital
Et l’on voit la pelouse au travers d’un cristal.

Un arbre appelé paulownia
Pousse les fleurs avant les feuilles
Tout comme amandiers et pêchers,
Mais il arrive bon premier.
Sous son ombrelle en fleurs lilas
Maints oiseaux, merles et bouvreuils ,
Au soleil blanc donnent le la
Et les coudriers sans lilas
Seront l’appui des chèvrefeuilles.
Ce soir, je vais au Cinéma :
Au théâtre pensé de François de Curel
Préférons le Ciné à couleurs naturelles.

Au son d’un musique absurbe,
Nous verrons défiler les Kurdes,
Les fils du banquier Capulet
Amoureux fou de Juliette,
Et, si le livret est trop bête,
Les décors ne seront pas laids.
Sherlock sera propriétaire
Des secrets d’un noble déchu ;
Un innocent forçat reviendra millionnaire,
Et le voleur du parachute
Du célèbre inventeur son père
Démolira les réverbères
Sans émouvoir le commissaire.

Soleil ! tu fais sauter les dalles du cimetière,
Le blanc de ma baignoire et le blanc des rideaux ;
Tu viens tacher aussi ma gentille volière
Et mécaniquement fais chanter les oiseaux !
Je me souviens. Je me souviens
Du printemps sur l’Océan Indien.
Je me souviens aussi, Panama, de ton isthme ;
Mais n’attendez pas que je fasse de l’exotisme !
De cafés en cafés, les autos en location
Reçoivent des pourboires comme une bonne occasion.
Aux fenêtres, le soir, les gens ont l’air de spectres
Parce qu’on ne tourne plus les boutons électriques.
Et, dans le Luxembourg qu’un blanc choral allume,
Un marchand de corsets joue du cor à la lune.
Sous les épais rideaux de l’avenue du Bois,
Un membre du Jockey apprend l’art du hautbois,
Les pieds de ses valets soulignent les cadences.

« Je n’aime pas ces vers !
« Prends un ton plus sévère !
« La Muse à te servir serait plutôt docile
« Si, beau soleil d’argent sur l’Océan d’acier,
« Tu frétais un steamer pour aller vers les îles.
— Tu voudrais, m’accordant sur un plus noble ton,
« Que je quitte Paris pour le pays breton.
« À quoi bon ? Le pommier ne fleurira qu’en mai
« Et les gens du pays ne fleurissent jamais.
« Oui, je sais que jadis, marin convalescent,
« Avec un doigt au creux d’un livre,
« J’ai vu dans un verger brillant comme le givre
« S’évader de l’école sur le gazon naissant
« Les petits paysans bleus que le soleil délivre.
« Mais les rues de Paris m’ont enseigné l’humour,
« Un enchanteur puissant transforme les faubourgs
« C’est près de lui que je veux vivre. »
Printemps ! Printemps ! l’azur est le miroir des toits ;
L’homme est suivi d’un ange et répond à ses voix :
Sur le Boulevard Saint-Martin, dans le halo d’un réverbère
J’ai vu l’ange de mon beau-frère.
Monsieur le directeur des Nouvelles Galeries,
Sortant avec le chef de rayons des soieries,
Voit le sien dans un arbre et lui sourit.
. . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les immeubles sont neufs ; les verres d’eau sont clairs.
J’endure pour guérir un régime sévère.
Allons au Bois si ça m’amuse :
J’y rencontre parfois la Muse !
Les bourgeons, c’est amer comme un lit d’hôpital
Et l’on voit la pelouse au travers d’un cristal.

Un arbre appelé paulownia
Pousse les fleurs avant les feuilles
Tout comme amandiers et pêchers,
Mais il arrive bon premier.
Sous son ombrelle en fleurs lilas
Maints oiseaux, merles et bouvreuils ,
Au soleil blanc donnent le la
Et les coudriers sans lilas
Seront l’appui des chèvrefeuilles.
Ce soir, je vais au Cinéma :
Au théâtre pensé de François de Curel
Préférons le Ciné à couleurs naturelles.

Au son d’un musique absurbe,
Nous verrons défiler les Kurdes,
Les fils du banquier Capulet
Amoureux fou de Juliette,
Et, si le livret est trop bête,
Les décors ne seront pas laids.
Sherlock sera propriétaire
Des secrets d’un noble déchu ;
Un innocent forçat reviendra millionnaire,
Et le voleur du parachute
Du célèbre inventeur son père
Démolira les réverbères
Sans émouvoir le commissaire.

Soleil ! tu fais sauter les dalles du cimetière,
Le blanc de ma baignoire et le blanc des rideaux ;
Tu viens tacher aussi ma gentille volière
Et mécaniquement fais chanter les oiseaux !
Je me souviens. Je me souviens
Du printemps sur l’Océan Indien.
Je me souviens aussi, Panama, de ton isthme ;
Mais n’attendez pas que je fasse de l’exotisme !
De cafés en cafés, les autos en location
Reçoivent des pourboires comme une bonne occasion.
Aux fenêtres, le soir, les gens ont l’air de spectres
Parce qu’on ne tourne plus les boutons électriques.
Et, dans le Luxembourg qu’un blanc choral allume,
Un marchand de corsets joue du cor à la lune.
Sous les épais rideaux de l’avenue du Bois,
Un membre du Jockey apprend l’art du hautbois,
Les pieds de ses valets soulignent les cadences.

« Je n’aime pas ces vers !
« Prends un ton plus sévère !
« La Muse à te servir serait plutôt docile
« Si, beau soleil d’argent sur l’Océan d’acier,
« Tu frétais un steamer pour aller vers les îles.
— Tu voudrais, m’accordant sur un plus noble ton,
« Que je quitte Paris pour le pays breton.
« À quoi bon ? Le pommier ne fleurira qu’en mai
« Et les gens du pays ne fleurissent jamais.
« Oui, je sais que jadis, marin convalescent,
« Avec un doigt au creux d’un livre,
« J’ai vu dans un verger brillant comme le givre
« S’évader de l’école sur le gazon naissant
« Les petits paysans bleus que le soleil délivre.
« Mais les rues de Paris m’ont enseigné l’humour,
« Un enchanteur puissant transforme les faubourgs
« C’est près de lui que je veux vivre. »
Printemps ! Printemps ! l’azur est le miroir des toits ;
L’homme est suivi d’un ange et répond à ses voix :
Sur le Boulevard Saint-Martin, dans le halo d’un réverbère
J’ai vu l’ange de mon beau-frère.
Monsieur le directeur des Nouvelles Galeries,
Sortant avec le chef de rayons des soieries,
Voit le sien dans un arbre et lui sourit.
. . . . . . . . . . . . . . . . . .

Collection: 
1896

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