Poésies

La beauté que je chante ignore ses appas ;
Mortels qui la voyez, dites-lui qu’elle est belle,

Naïve, simple, naturelle,
Et timide sans embarras.
Telle est la jacinthe nouvelle ;
Sa tête ne s’élève pas
Sur les fleurs qui sont autour d’elle :
Sans se montrer, sans se cacher,
Elle se plaît dans la prairie ;
Elle y pourrait finir sa vie,

Si l’œil ne venait l’y chercher.
Mirepoix reçut en partage
La candeur, la douceur, la paix ;
Et ce sont, entre mille attraits,
Ceux dont elle veut faire usage.

Pour altérer la douceur de ses traits,
Le fier dédain n’osa jamais
Se faire voir sur son visage.
Son esprit a cette chaleur
Du soleil qui commence à naître ;
L’Hymen peut parler de son cœur :
L’Amour pourrait le méconnaître.

Adieu, Gênes détestable,
Adieu, séjour de Plutus.

Si le Ciel m’est favorable,
Je ne vous reverrai plus.

Adieu, bourgeois, et noblesse,
Qui n’a pour toutes vertus
Qu’une inutile richesse :
Je ne vous reverrai plus.

Adieu, superbes palais,
Où l’ennui, par préférence,
A choisi sa résidence ;
Je vous quitte pour jamais .

Là le magistrat querelle
Et veut chasser les amants,
Et se plaint que sa chandelle
Brûle depuis trop longtemps.

Le vieux noble, quel délice !
Voit son page à demi nud,
Et jouit d’une avarice
Qui lui fait montrer le cul.

Vous entendez d’un jocrisse
Qui ne dort ni nuit ni jour ,
Qu’il a gagné la jaunisse
Par l’excès de son amour.

Mais un vent plus favorable
A mes vœux vient se prêter.
Il n’est rien de comparable
Au plaisir de vous quitter.

Nous n’avons pour philosophie
Que l’amour de la liberté.
Plaisirs, douceurs sans flatterie,
Volupté,
Portez dans cette compagnie
La gaieté.

Le nocher qui prévoit l’orage
Craint encor quand le port est bon.
Éternisons du badinage
La saison :
On manque, à force d’être sage,
De raison.

Le fier Caton, quand il se perce,
Se livre à ses noires fureurs :

Anacréon, qui fait commerce
De douceurs,
Attend le trépas, et se berce
Sur des fleurs.

Que chacun boive à sa conquête.
Ne vous en fâchez pas, époux ;
Le sort que la nuit vous apprête
Est plus doux ;
Mais vos femmes, dans cette fête,
Sont à nous.

Amour, après mainte victoire,
Croyant régner seul dans les cieux,
Allait bravant les autres dieux,
Vantant son triomphe et sa gloire.
Eux, à la fin, qui se lassèrent
De voir l’insolente façon
De ce tant superbe garçon ,
Du ciel, par dépit, le chassèrent.
Banni du ciel, il vole en terre,
Bien résolu de se venger.
Dans vos yeux il vint se loger
Pour de là faire aux dieux la guerre.

Mais ces yeux d’étrange nature
L’ont si doucement retenu,
Qu’il ne s’est depuis souvenu
Du ciel, des dieux, ni de l’injure.

Vous êtes belle, et votre sœur est belle ;
Si j’eusse été Paris, mon choix eût été doux :
La pomme aurait été pour vous,
Mais mon cœur eût été pour elle.

Boufflers, vous avez la ceinture
Que la déesse de Paphos
Reçut des mains de la nature
Au débrouillement du chaos.
Si quelquefois votre parure
A des irrégularités,
Une grâce qui les corrige
Fait voir à nos yeux enchantés,
Que la beauté qui se néglige
Est la première des beautés.

Les Dieux que vous vîntes surprendre,
Disputaient entre eux dans nos bois :
« C’est Vénus, disait l’un, c’est elle, je la vois.
— C’est Minerve, dit l’autre, et je viens de l’entendre. »

Il est vrai, dit le dieu Faunus,
Oui, c’est Minerve, je le jure ;
Mais je crois qu’elle a la ceinture
Que vous avez vue à Vénus.

Dassier, dont le vainqueur d’Arbelle
Eût choisi le docte burin,
Pour éterniser sur l’airain,
De ses traits l’image fidèle,
Quand il te plaît, pour me tirer,
De déployer cet art qui te fait admirer,
Dis-moi qui de nous deux acquiert le plus de gloire,
Moi, dont tu traces le portrait,
Ou toi, qui ne fais pas un trait
Qui n’éternise ta mémoire.

Voici la traduction de l’abbé Venuti :
I vezzi suoi, la Dea, ch’io canto, ignora ;
Voi che siete con ella
Ditele pur ch’e bella ;
Ditele pur che ogn’ atto disinvolto,
Dolce, semplice e schietta,
Senz’arte o studio da natura ha tolto.
Tal gentil mammoletta
La fronte sopra i fior vergognosetta
Non alza, ma tra l’erbe si riposa
Senza far di se pompa o starsi ascosa ;
La senza gelosia
Finire i di potria,
Se il caso non appella
L’occhio ver lei di giovine o donzella.
MIREPOA ebbe dal cielo in sorte
Candor, doicezza e pace,
E fra tante sue doti altere e accorto,
Sol d’esse si compiace ;
Ne disdegno ardi mai colla sua face
Far onta al vago angelico sembiante,
Ma stassi rispettoso a lei d’avante.
Il suo spirto ha il calore
Del sol quando esce fuore ;
Del suo tenero cuore
Imeneo sol favella ;
Perde amor senza lei le sue quadrella.

Collection: 
1879

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