La pêche

Pour peu que le vent tombe ou saute, il faut la rame.
On part, à jeun souvent. C’est l’été, c’est l’hiver ;
C’est la pluie ou bien c’est, rougissant le flot vert,
Le soleil qui vous brûle au vif avec sa flamme.

Ils savent comme un cri s’étrangle dans la lame,
Et qu’ils ont sous leurs pieds le tombeau grand ouvert ;
Ils savent qu’ils s’en vont lutter, sein découvert,
Et qu’ils sont les héros ignorés de ce drame.

Comme il ne manque pas d’enfants à la maison,
Le jour, la nuit, selon la lune ou la saison,
Les hommes vont gueuser du pain au flot qui gronde.

Mais l’avare Océan n’ouvre guère sa main
Que pour faire aux noyés une couche profonde?
Où le pêcheur se dit qu’il dormira demain.

Étretat.

Collection: 
1866

More from Poet

  • Derrière l'épaisseur lucide du carreau
    Un paysage grêle, une miniature,
    Fait voir chaque détail plus petit que nature
    Et tient entre les quatre arêtes du barreau.

    Ce transparent posé d'aplomb sur le tableau
    Montre un ciel triste encore et d'une couleur dure,
    ...

  • A Catulle mendès.

    Les Parisiens, entendus
    Aux riens charmants plus qu'au bien-être,
    Se font des jardins suspendus
    D'un simple rebord de fenêtre,

    On peut voir en toute saison
    Des fils de fer formant treillage
    Faire une fête à la maison
    De quelques...

  • À l'abri de l'hiver qui jetait vaguement
    Sa clameur, dans la chambre étroite et bien fermée
    Où mourait un bouquet fait de ta fleur aimée,
    Parmi les visions de l'étourdissement ;

    Pendant qu'avec la joie extrême d'un amant
    Je froissais d'un coeur las et d'une main...

  • Le bal allait finir. Les lustres sur les masques
    Découpaient la lumière en caprices fantasques,
    Et sur les fronts ternis montraient à vif le fard.
    L'oeil était somnambule et le rire blafard.
    La femme avait vieilli de dix ans en une heure.
    Ce n'était pas le beau...

  • Du wagon sombre où rien ne bouge, où rien ne luit,
    Las des rêves, mauvais compagnons pour la nuit,
    Le voyageur, avec le jour, cherchant l'espace,
    Salue en souriant la campagne qui passe :
    Les arbres, les moissons hautes, l'azur des prés
    Lointains, sur le penchant...