La Pauvreté évangélique

 
O chaste pauvreté, sainte béatitude,
Diamant du désert, fleur de la solitude ;
O mystique trésor que le Christ a béni,
Que Marie et Joseph ont aimé comme lui ;
Perle de l’Evangile, appui des monastères,
Aiguillon du génie et des vertus austères ;
Toi, qui nous affranchis, en nous rendant plus forts
Que l’avare à genoux sur d’infâmes trésors ;
Toi qui donnes l’esprit de zèle et de courage,
Pour parler du devoir l’énergique langage,
Et pour faire trembler et pour faire pâlir
Les prêtres de Mammon, que l’on ose applaudir !
O douce pauvreté, chère à tous les prophètes,
Et qu’on vit en tout temps inspirer les poètes :
Les sages de la Grèce ont connu ta beauté ;
Les Ermites, pour toi, sans crainte ont tout quitté ;
Par toi, toute œuvre sainte, en sa naissance obscure,
A voulu commencer afin d’être plus pure ;
Et tout cœur héroïque, en se donnant à Dieu,
Doit se donner à toi, se lier par un vœu !
C’est toi, que Saint François, l’apôtre séraphique,
A choisie ici-bas pour sa dame mystique ;
Et te restant fidèle, et t’admirant toujours,
Tu fus, jusqu’à la mort, l’ange de ses amours !
Et nul moine, depuis, nul sage, nul poète,
D’un nimbe aussi brillant n’a couronné ta tête !
O veuve abandonnée, austère pauvreté ,
En ces jours d’avarice et de cupidité,
N’es-tu plus pour le prêtre une béatitude,
Et le moine attristé fuit-il ta solitude ?
Oh ! viens dans ma cellule, habite sous mon toit,
Rends mon chevet plus dur et mon lit plus étroit !
Viens me nourrir du pain arrosé de tes larmes :
L’amour m’a révélé tout l’éclat de tes charmes !
Revêtu du cilice, et chargé de la croix,
Conduis-moi sur les pas de Claire et de François !
Je te suivrai partout, ô sainte Solitaire,
Que l’Industrie aspire à chasser de la terre ;
Et je supporterai l’insulte et le mépris
De tous les parvenus, sous leurs riches lambris !
Oh ! viens ; allons tous deux ; allons, de porte en porte,
Prêcher par nos haillons la vertu, qu’il importe,
En ce Siècle d’argent, d’inculquer dans les cœurs :
Dieu prendra soin de nous, comme il prend soin des fleurs !
Toi, qui portes du Christ la couronne d’épines,
Viens m’apprendre à marcher sur ses traces divines :
C’est toi seule que j’aime ; et toi seule tu peux
Lutter contre l’esprit de ce siècle orgueilleux ;
Et conforme à Jésus, et semblable à Marie,
Montrer au genre humain le chemin de la vie !
Et si venaient la faim, le froid, la nudité,
Si le vent glacial de l’âpre adversité
Soufflait, — dans nos haillons, plus joyeusement tristes,
Nous irions sous les murs d’un couvent de Trappistes ;
Nous irions demander, au nom de Saint-Bernard,
Du pain de leur aumône une modique part ;
Et dans la charité de ces calmes ascètes
Nous serions à l’abri de toutes les tempêtes !
Heureux l’aigle et l’Ermite au sommet du Carmel :
Le cloître est un Eden, la cellule est un ciel !

Collection: 
1833

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