Autrefois, dans les jours de ma jeunesse ardente,
Quand l’éclat des grands noms éblouissait mes yeux,
Mes poètes aimés c’étaient Eschyle, Dante,
Camoëns et Byron, Byron l’audacieux ;
C’était au divin bruit de leurs hymnes de flamme
C’était en les nommant que je lançais mon âme,
Comme un char à travers les cieux.
Ici, sur les hauteurs de la roche écartée,
J’errais et je croyais entendre tour à tour
Le fier Adamastor, le hardi Prométhée,
Et le sombre Ugolin qui rugit dans sa tour.
Là, quand l’aile de l’ombre aiguillonnait mon rêve,
Mon rêve au vol brûlant fuyait de grève en grève,
À la poursuite du Giaour.
Or maintenant la source où mon âme s’abreuve,
Où je puise à grands flots des ivresses sans nom,
Ce n’est plus Dante, Eschyle aussi large qu’un fleuve,
Ni le vieux Camoëns, ni l’effréné Byron ;
J’ai là-bas, quand je cours fouler les hautes cimes,
J’ai mes chanteurs à moi, bien autrement sublimes,
La mer, la foudre et l’aquilon.