Mélodie

 
Quand le plaisir brille en tes yeux
          Pleins de douceur et d’espérance,
          Quand le charme de l’existence
          Embellit tes traits gracieux, —
          Bien souvent alors je soupire
          En songeant que l’amer chagrin,
Aujourd’hui loin de toi, peut t’atteindre demain,
Et de ta bouche aimable effacer le sourire ;
Car le Temps, tu le sais, entraîne sur ses pas
          Les illusions dissipées,
Et les yeux refroidis, et les amis ingrats,
          Et les espérances trompées !

Mais crois-moi, mon amour ! tous ces charmes naissants
          Que je contemple avec ivresse
S’ils s’évanouissaient sous mes bras caressants,
          Tu conserverais ma tendresse !
          Si tes attraits étaient flétris,
          Si tu perdais ton doux sourire,
          La grâce de tes traits chéris
          Et tout ce qu’en toi l’on admire,
          Va, mon cœur n’est pas incertain :
De sa sincérité tu pourrais tout attendre.
Et mon amour, vainqueur du Temps et du Destin,
S’enlacerait à toi, plus ardent et plus tendre !

Oui, si tous tes attraits te quittaient aujourd’hui,
J’en gémirais pour toi ; mais en ce cœur fidèle
Je trouverais peut-être une douceur nouvelle,
Et, lorsque loin de toi les amants auraient fui,
Chassant la jalousie en tourments si féconde,
Une plus vive ardeur me viendrait animer.
« Elle est donc à moi seul, dirais-je, puisqu’au monde
Il ne reste que moi qui puisse encor l’aimer ! »

Mais qu’osè-je prévoir ? tandis que la jeunesse
T’entoure d’un éclat, hélas ! bien passager,
Tu ne peux te fier à toute la tendresse
D’un cœur en qui le temps ne pourra rien changer.
Tu le connaîtras mieux : s’accroissant d’âge en âge,
L’amour constant ressemble à la fleur du soleil,
Qui rend à son déclin, le soir, le même hommage
Dont elle a, le matin, salué son réveil !

Collection: 
1828

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