Le Parnasse contemporain/1869/La Méditerranée

Ô Méditerranée, ô mer tiède, ô mer calme,
Grand lac que sans effroi traversent les oiseaux,
Les aiguilles des pins d’Italie & la palme
Vibrent dans la clarté limpide de tes eaux.

Tes golfes dentelés ont de divins caprices,
Ton éclatant rivage a des cailloux d’argent,
Et la voile latine erre sur tes flots lisses,
Charmante comme un cygne immobile en nageant.

Amphitrite lascive à longue tresse blonde,
Ta tunique flottante entr’ouvre, quand tu dors,
Ses plis blancs, & trahit sous l’éclat pur de l’onde
Des frissons bleus qui sont les veines de ton corps.

Tu t’étends paresseuse, & le ciel tremblant semble
Descendre de là-haut pour dormir avec toi ;
Et, pendant que ton lit parfumé vous rassemble,
Tu chantes comme en rêve & sans savoir pourquoi !

Ah ! ce n’est pas assez d’être nubile & belle
Et d’étaler ainsi ton beau corps au soleil,
En gardant que le vent ne trouble d’un coup d’aile
Les frémissements doux de ton léger sommeil !

Il ne nous suffit pas d’entendre des bruits vagues,
Et l’Océan le sait, lui qui fait chaque jour
Retentir dans un choc de révolte ses vagues,
Pendant que tu souris, languissante d’amour !

Collection: 
1971

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