I
Hannetons,
Faibles avortons,
Vous êtes de singuliers êtres.
D'être grands quand nous nous vantons,
Nous mentons ;
Car vous serez toujours nos maîtres.
Nous vous garrottons,
Nous vous maltraitons...
Nous vous regrettons !
Refrain
Hannetons,
Faibles avortons,
Nous vous regrettons,
Hannetons !
II
Ils ont des fleurs en abondance.
Sur un orme leur pain mûrit.
Jamais, même aux jours de bombance,
Le vin ne leur troubla l'esprit.
L'amour est leur unique ivresse ;
Et, pour semer leurs rejetons,
— A quoi pensent les hannetons ! —
Ils n'ont qu'une seule maîtresse.
Refrain
III
Dans leurs tendresses éphémères,
Que le bon Dieu bénit gratis,
Ils n'ont jamais connu leurs mères,
Ils ne connaîtront pas leurs fils.
Sevrés de nos grandeurs humaines,
Ils poursuivent comme à tâtons
— A quoi pensent les hannetons ! —
Leur avenir... de trois semaines...
Refrain
IV
Ils volent, libres et sans gène ;
Et s'abattent, quand ils sont las.
Moins vêtus que feu Diogène,
Sur nos rosiers, sur nos lilas.
Mais l'effronterie a des bornes :
Montrons-nous ce que nous portons ?
— A quoi pensent les hannetons ! —
En public ils sortent leurs cornes !
Refrain
V
Chez ces humbles coléoptères
Rome et Clichy sont inconnus ;
Pas d'avocats, pas de notaires ;
Pas de pauvres marchant pieds nus ;
Pas de bourses ni de conclaves,
De prêtres ni de marmitons ;
— A quoi pensent les hannetons ! —
Pas de souverains ni d'esclaves.
Refrain
VI
Comme l'abeille et la cigale,
D'un peu de miel ils sont contents.
Leur humeur est toujours égale :
Haïr ? Ils n'en ont pas le temps.
Ils se brûlent à nos chandelles ;
Ou, happés par des becs gloutons,
— A quoi pensent les hannetons ! —
Ils pardonnent aux hirondelles.
Refrain