Vain et sanglant jouet de la fureur romaine,
Le fier Gladiateur cède et tombe expirant ;
Par son glaive trahi, sur l’homicide arène
Il repose calme et mourant.
Il ramasse en son cœur sa force réunie,
Se penche, et se recueille appuyé sur sa main ;
Il consent à la mort, mais domptant l’agonie,
Il brave encore le Romain.
Il languit par degrés, et sa tête s’abaisse,
Il se sent défaillir ; les gouttes de son sang,
Qu’il regarde couler sans crainte et sans faiblesse,
Tombent plus lentes de son flanc.
Bientôt la pâle mort sur son front se déploie :
Il meurt ; mais sans laisser s’affaiblir son grand cœur ;
Il meurt, en entendant tous ces longs cris de joie
Que l’on prodigue à son vainqueur.
Il écoute ces cris avec indifférence :
La couronne du cirque à ses jeux est sans prix,
Et le don de la vie accordé sans vengeance
N’exciterait que ses mépris.
Sa pensée est bien loin de ce théâtre horrible !
Il songe à son vieux père accablé par les ans ;
Il revoit le Danube, et sous son toit paisible
Il a reconnu ses enfants.
Il voit ses jeunes fils jouer près de leur mère :
Et lui pourtant, acteur d’un spectacle inhumain,
Expire sur le sol d’une rive étrangère,
Pour l’amusement d’un Romain !
O forfait ! à ce point l’homme ose outrager l’homme !
Levez-vous ! accourez, fiers barbares du Nord !
De vos fils, égorgés pour les plaisirs de Rome,
Venez venger l’indigne mort !