Confidence devant le soir

 
Oui, je le crois, je suis calme, je suis heureuse.
L’aube a dû rafraîchir mes tempes de fiévreuse.

Viens, je te conterai mon passé, si tu veux.
Et je te parlerai d’abord de ses cheveux.

Ses cheveux la nimbaient, virginale auréole.
Elle ne savait pas que la douceur console.

Ses cheveux blonds étaient plus pâles qu’un reflet,
Et je l’ai poursuivie ainsi qu’un feu follet.

Ecoute.. Tu le sais, ô charme de mes heures !
Les premières amours ne sont pas les meilleures.

Cet irritant baiser qui me rongeait la chair
Mordait plus âprement que le sel de la mer.

Ton rêve se marie au mien lorsque je pense,
Et jamais je ne fus tranquille en sa présence.

Flatteuse, elle savait m’entourer de ses bras,
Mais bientôt je compris qu’elle ne m’aimait pas.

Et je sus m’arracher au piège de sa grâce.
J’ai pleuré très longtemps… Malgré soi l’on se lasse.

Ma vie était pareille au printemps défleuris.
Je me suis dit un soir : « Mes yeux se sont taris. »

Ainsi, je reconnus que son cœur était double,
Si bien qu’enfin je pus la contempler sans trouble.

J’évoque sans regret ces beaux jours très anciens,
Plus menteurs et plus doux que les songes païens.

Car ici je me crée une âme nonchalante,
Et l’instant fuit, ayant les pieds blancs d’Atalante.

Avec un langoureux bonheur je me détends…
O charme de tes yeux, des parfums et du temps !

Il me semble que j’ai parlé dans le délire
Tout à l’heure… Oublions ce que je viens de dire.

Collection: 
1897

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