Chinoiserie

 
J'ai sur ma table une potiche
Chinoise, et du goût le plus fin,
Qu'avec l'extase d'un fétiche
Plus d'un contemplerait sans fin.

Le soleil chérit son front pâle,
Car dans son émail lactescent
Toujours un rayon caressant
Sertit quelque perle d'opale.

Sur ses flancs polis et bleutés
Vient s'épanouir une flore,
Belle d'inédites beautés,
Qu'un caprice étrange colore.

L'oeil découvre parmi ces fleurs
Qui carminent l'azur des grèves,
Les monstres entrevus en rêves :
Dragons hagards, sphinx persifleurs,

Folles chimères, oiseaux gauches
Et funambulesques magots,
Assistant froids à ces débauches
De cinabres et d'indigos.

Japon ! Terre-Promise rose !
Sonore du chant cristallin
Des tourelles de kaolin
Qu'un fleuve de féerie arrose !

Bercé par les senteurs du thé,
Dans l'oubli qui pleut de grands aunes,
J'envie en ce nouveau Léthé
La jonque des mandarins jaunes.

Oui, dans ce merveilleux séjour,
Plaise au destin sourd que je vive
Aux pieds d'une Chinoise olive,
Grisé d'opium et d'amour !

Collection: 
1871

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