Les Cerisiers

 
I

Vous souvient-il un peu de ce que vous disiez,
Mignonne, au temps des cerisiers ?

Ce qui tombait du bout de votre lèvre rose,
Ce que vous chantiez, ô mon doux bengali,
Vous l’avez oublié, c’était si peu de chose,
Et pourtant, c’était bien joli…
Mais moi je me souviens (et n’en soyez pas surprise),
Je me souviens pour vous de ce que vous disiez.
Vous disiez (à quoi bon rougir ?)…donc vous disiez…
Que vous aimiez fort la cerise,
La cerise et les cerisiers.

II

Vous souvient-il un peu de ce que vous faisiez,
Mignonne, au temps des cerisiers ?

Plus grands sont les amours, plus courte est la mémoire
Vous l’avez oublié, nous en sommes tous là ;
Le cœur le plus aimant n’est qu’une vaste armoire.
On fait deux tours, et puis voilà.
Mais moi je me souviens (et n’en soyez surprise),
Je me souviens pour vous de ce que vous faisiez…
Vous faisiez (à quoi bon rougir ?)…donc vous faisiez…
Des boucles d’oreille en cerise,
En cerise de cerisiers.

III

Vous souvient-il d’un soir où vous vous reposiez,
Mignonne, sous les cerisiers ?

Seule dans ton repos ! Seule, ô femme, ô nature !
De l’ombre, du silence, et toi…quel souvenir !
Vous l’avez oublié, maudite créature,
Moi je ne puis y parvenir.
Voyez, je me souviens (et n’en soyez surprise),
Je me souviens du soir où vous vous reposiez…
Vous reposiez (pourquoi rougir ?)…vous reposiez…
Je vous pris pour une cerise ;
C’était la faute aux cerisiers.

Collection: 
1860

More from Poet

  •  
    Dans ses langes blancs, fraîchement cousus,
    La vierge berçait son enfant-Jésus.
    Lui, gazouillait comme un nid de mésanges.
    Elle le berçait, et chantait tout bas
    Ce que nous chantons à nos petits anges…
    Mais l’enfant-Jésus ne s’endormait pas.

    Étonné,...

  •  
    Je l’ai rencontrée un jour de vendange,
    La jupe troussée et le pied mignon ;
    Point de guimpe jaune et point de chignon :
    L’air d’une bacchante et les yeux d’un ange.

    Suspendue au bras d’un doux compagnon,
    Je l’ai rencontrée aux champs d’Avignon,
    Un...

  •  
    I

    Un soir que je rêvais dans ma chambre, déserte
    Depuis sa mort,
    Un oisillon s’en vint de la fenêtre ouverte
    Raser le bord.

    Il s’en vint, secouant du bec sa robe grise ;
    Et sans effroi,
    Sans façon, je le vis, à ma grande surprise,
    Entrer...

  •  
    Elle rêve, la jeune femme !
    L’œil alangui, les bras pendants,
    Elle rêve, elle entend son âme,
    Son âme qui chante au dedans.

    Tout l’orchestre de ses vingt ans,
    Clavier d’or aux notes de flamme,
    Lui dit une joyeuse gamme
    Sur la clef d’amour du...

  •  
    I

    Si vous voulez savoir comment
    Nous nous aimâmes pour des prunes,
    Je vous le dirai doucement,
    Si vous voulez savoir comment.
    L’amour vient toujours en dormant,
    Chez les bruns comme chez les brunes ;
    En quelques mots voici comment
    Nous...