Amis, après dix mois d'absence,
Le carnaval est de retour ;
Devant lui, la folle licence
Ramène les jeux et l'amour.
Puisons la gaîté dans le verre,
Que nous tend ce dieu jovial :
Rions... Ah ! l'on ne rit plus guère
Qu'en carnaval.
Jamais l'homme en entier n'oublie
Les soins qui troublent son repos ;
Mais cet enfant de la folie
Nous étourdit par ses grelots.
Il chasse ces peines de l'âme,
Dont le souvenir nous fait mal.
Nul mari ne songe à sa femme,
En carnaval.
De l'âge d'or qui le vit naître,
Ramenant le règne vanté,
Sans dangers, il nous fait connaître
La douce et franche égalité.
Autour d'une joyeuse table,
Pour lui, tout le monde est égal ;
Un pair, un commis est affable
En carnaval.
Le carnaval est une excuse
Qui se prête à tous les sujets ;
J'ai vu même une triste muse
L'invoquer contre les sifflets.
« Arrêtez, criait le poète :
Épargnez-moi ce bruit fatal !
Songez donc que ma pièce est faite
En carnaval. »
Un soir Nice tombe avec force :
Lucas vient vite à son secours.
Mais la belle en eut une entorse
Et son mal enflait tous les jours.
Sa mère gronde... « Hélas! dit Nice,
Il gelait en sortant du bal...
Maman, vous savez comme on glisse
En carnaval. »
De cette saison fortunée
J'aime surtout les bons repas,
Homme, femme fraîche ou fanée,
Chacun fait bombance aux jours gras.
Même alors, plus d'une grand-mère
Se prépare un petit régal,
Et trouve le moyen de faire
Son carnaval.