Anthologie des poètes français contemporains/1906/Le Moulin

C’est par eau qu’il faut y venir.
La berge a peine à contenir
Le fouillis d’herbes et de branches,
Ce monde petit et charmant,

La grande roue en mouvement,
Les vannes et leurs ponts de planches.

Un bruit frais d’écluses et d’eau
Monte derrière le rideau
De la ramure ensoleillée.
Quand on approche, il est plus clair ;
Le barrage jette dans l’air
Comme une odeur vive et mouillée.

Pour arriver jusqu’à la cour,
On passe, chacun à son tour.
Par le moulin plein de farine.
Où la mouture en s’envolant,
Blanche et qui sent le bon pain blanc,
Réjouit l’œil et la narine.

Voici la ferme ; errons un peu.
Dans l’âtre on voit flamber le feu
Sur les hauts chenets de cuisine.
La flamme embaume le sapin ;
La huche de chêne a du pain,
La jatte de lait est voisine.

Oh ! le bon pain et le bon lait !
Juste le repas qu’on voulait ;
On boit, sans nappe sur la table,
Au tic tac joyeux du moulin,
Parmi les bêtes, dans l’air plein
De l’odeur saine de l’étable.

Lorsque vous passerez par là,
Entrez dans le moulin. Il a
Des horizons pleins de surprises.
Un grand air d’aise et de bonté,
Et contre la chaleur d’été
De la piquette et des cerises.

Collection: 
1906

More from Poet

  • Derrière l'épaisseur lucide du carreau
    Un paysage grêle, une miniature,
    Fait voir chaque détail plus petit que nature
    Et tient entre les quatre arêtes du barreau.

    Ce transparent posé d'aplomb sur le tableau
    Montre un ciel triste encore et d'une couleur dure,
    ...

  • A Catulle mendès.

    Les Parisiens, entendus
    Aux riens charmants plus qu'au bien-être,
    Se font des jardins suspendus
    D'un simple rebord de fenêtre,

    On peut voir en toute saison
    Des fils de fer formant treillage
    Faire une fête à la maison
    De quelques...

  • À l'abri de l'hiver qui jetait vaguement
    Sa clameur, dans la chambre étroite et bien fermée
    Où mourait un bouquet fait de ta fleur aimée,
    Parmi les visions de l'étourdissement ;

    Pendant qu'avec la joie extrême d'un amant
    Je froissais d'un coeur las et d'une main...

  • Le bal allait finir. Les lustres sur les masques
    Découpaient la lumière en caprices fantasques,
    Et sur les fronts ternis montraient à vif le fard.
    L'oeil était somnambule et le rire blafard.
    La femme avait vieilli de dix ans en une heure.
    Ce n'était pas le beau...

  • Du wagon sombre où rien ne bouge, où rien ne luit,
    Las des rêves, mauvais compagnons pour la nuit,
    Le voyageur, avec le jour, cherchant l'espace,
    Salue en souriant la campagne qui passe :
    Les arbres, les moissons hautes, l'azur des prés
    Lointains, sur le penchant...