Matin

Voici le matin bleu. Ma rose et blonde amie
Lasse d'amour, sous mes baisers, s'est endormie.
Voici le matin bleu qui vient sur l'oreiller
Éteindre les lueurs oranges du foyer.

L'insoucieuse dort. La fatigue a fait taire
Le babil de cristal, les soupirs de panthère.
Les voraces baisers et les rires perlés.
Et l'or capricieux des cheveux déroulés
Fait un cadre ondoyant à la tête qui penche.
Nue et fière de ses contours, la gorge blanche
Où, sur les deux sommets, fleurit le sang vermeil,
Se soulève et s'abaisse au rhythme du sommeil.

La robe, nid de soie, à terre est affaissée.
Hier, sous des blancheurs de batiste froissée
La forme en a jailli libre, papillon blanc.
Qui sort de son cocon, l'aile collée au flanc.

A côté, sur leurs hauts talons, sont les bottines
Qui font aux petits pieds ces allures mutines,
Et les bas, faits de fils de la vierge croisés,
Qui prennent sur la peau des chatoiements rosés.

Epars dans tous les coins de la chambre muette
Je revois les débris de la fière toilette
Qu'elle portait, quand elle est arrivée hier
Tout imprégnée encor des senteurs de l'hiver.

Collection: 
1865

More from Poet

  • J'ai trois fenêtres à ma chambre :
    L'amour, la mer, la mort,
    Sang vif, vert calme, violet.

    Ô femme, doux et lourd trésor !

    Froids vitraux, odeurs d'ambre.
    La mer, la mort, l'amour,
    Ne sentir que ce qui me plaît...

    Femme, plus claire que le jour !...

  • Aux arbres il faut un ciel clair,
    L'espace, le soleil et l'air,
    L'eau dont leur feuillage se mouille.
    Il faut le calme en la forêt,
    La nuit, le vent tiède et discret
    Au rossignol, pour qu'il gazouille.

    Il te faut, dans les soirs joyeux,
    Le triomphe ; il...

  • J'ai rêvé les amours divins,
    L'ivresse des bras et des vins,
    L'or, l'argent, les royaumes vains,

    Moi, dix-huit ans, Elle, seize ans.
    Parmi les sentiers amusants
    Nous irons sur nos alezans.

    Il est loin le temps des aveux
    Naïfs, des téméraires voeux!...

  • Quant nous irisons
    Tous nos horizons
    D'émeraudes et de cuivre,
    Les gens bien assis
    Exempts de soucis
    Ne doivent pas nous poursuivre.

    On devient très fin,
    Mais on meurt de faim,
    A jouer de la guitare,
    On n'est emporté,
    L'hiver ni l'été...

  • Le rhythme argentin de ta voix
    Dans mes rêves gazouille et tinte.
    Chant d'oiseau, bruit de source au bois,
    Qui réveillent ma joie éteinte.

    Mais les bois n'ont pas de frissons,
    Ni les harpes éoliennes.
    Qui soient si doux que tes chansons,
    Que tes...