Le Ruban

    Cette couleur, autrefois adorée,
        Ne doit plus être ma couleur ;
Elle blesse mes yeux, elle attriste mon cœur,
En retraçant l’espoir qui m’avait égarée.
    Pour un objet plus frivole que moi,
Reprenez ce lien qui n’a rien de durable;
Celui qui m’enchaîna longtemps sous votre loi
        Ne me parut que trop aimable !
Il est brisé par vous, et brisé sans retour :
Faut-il en rappeler le souvenir pénible ?
        Oubliez que je fus sensible,
        Je l’oublîrai peut-être un jour.

        Je pardonne à votre inconstance
        Les maux qu’elle m’a fait souffrir ;
        Leur excès m’en a su guérir :
C’est à votre abandon que je dois l’existence.
J’ai repris le serment d’être à vous pour toujours ;
Mais mon âme un instant fut unie à la vôtre,
        Et, je le sens, jamais un autre
N’aura mes vœux, ne fera mes beaux jours.
        Ces jours consacrés à vous plaire,
        Ces vœux, si tendres et si doux,
        Et toujours inspirés par vous,
        Désormais qu’en pourrai-je faire ?
        Aime-t-on dès qu’on veut aimer ?
Si je trouve un amant plus fidèle et plus tendre,
        Mieux que vous il saura m’entendre;
    Mais comme vous saura-t-il me charmer ?
        Pourquoi feignez-vous de le croire ?
Vous offensez l’amour, en accusant mon cœur :
        Ah ! cet amour eût fait ma gloire,
        S’il avait fait votre bonheur !
Votre bonheur, hélas ! sera d’être volage ;
Vous séduirez encor dès qu’on vous entendra ;
Vous ferez le tourment de qui vous aimera ;
Et de vous, en fuyant, j’ai gardé cette image :
 
    « Aussi léger que prompt à s’enflammer,
    De l’amour en riant il inspire l’ivresse ;
        Mais pourquoi, quand son amour cesse,
        Ne cesse-t-on pas de l’aimer ? »

Collection: 
1806

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