Dans cette plaine où l'Angleterre
De notre sang teignit les fleurs,
Le front incliné vers la terre
Un Français répandait des pleurs ;
Assis au bord d'une tombe
Dont l'aspect éveille ses maux,
Sur sa main sa tête retombe,
Et sa voix murmure ces mots :
Refrain :
O Mont-Saint-Jean ! Nouvelles Thermopyles,
Si quelqu'un profanait tes funèbres asiles,
Fais-lui crier par tes échos :
Tu vas fouler la cendre des héros.
J'ai vu les arts et les bergères
Engloutis dans l'obscurité,
Près des légions étrangères
N'oser fleurir en liberté.
J'ai vu la palme la plus belle
Plier, tomber et se flétrir ;
J'ai vu la victoire infidèle !...
Et je viens apprendre à mourir.
Refrain
Honteux de se voir les esclaves
De ces rois dits nos alliés,
J'ai vu l'élite de nos braves
Courber leurs front humiliés ;
J'ai vu leur phalange attendrie
Maudire un indigne repos,
Et sur les maux de la patrie,
Pleurer au pied de ses drapeaux.
Refrain
Là, des premiers soldats du monde
Le sang inonda les guérets,
Et l'on vit la terre féconde
Changer ses épis en cyprès.
Chaque nuit, dans la brise errante
Des eaux, des forêts et des cieux,
Des preux j'entends la voix mourante
Nous crier pour derniers adieux :
Refrain
Ce ruisseau dont l'onde rapide
Roula jadis des flots de sang,
Pour promener son eau limpide
Des bois s'échappe en frémissant.
Il fuit, et dans de vastes ondes
Il va se perdre en peu d'instants ;
Ainsi tous les peuples des mondes
Se perdront dans la nuit des temps.
Refrain
Ici l'Ottoman ou le Perse,
Peut-être en un lointain hiver,
Entendra résonner la herse,
Et sous le fer gémir le fer.
En voyant la face intrépide
Du preux que le soc a foulé,
Il dira, l'œil de pleurs humide :
Ici l'univers a tremblé.
Refrain