Le Casque

 
Dans les bras caressans de la belle déesse,
Le dieu Mars languissoit brûlant et désarmé,
Et, le front rayonnant de la plus douce ivresse,
Il goûtoit à longs traits le bonheur d’être aimé.
Aux lèvres de Cypris son ame suspendue,
Loin de ces jeux sanglans qui font couler nos pleurs,
De transports en transports fugitive, éperdue,
Se reposoit en paix sous des voûtes de fleurs.
De folâtres amours endossent son armure ;
D’autres, plus assidus autour de nos amans,
Balancent sur leur tête un berceau de verdure,
Leur ménagent l’abri de cent myrthes naissans,
Et de leur fraîche haleine embaument la nature.
Le ciel est plus serein, la lumière plus pure :
L’air comme un feu subtil coule dans tous les sens.
Et l’onde, qui s’élève avec un doux murmure,
Mêle son jet limpide aux festons du printemps.
Tout-à-coup la trompette sonne ;
On appelle Mars aux combats.
Le tambour bat, et l’airain tonne :
La victoire, une lance au bras,
Offre à l’immortel intrepide
Ses armes d’un acier brillant ;
Son bouclier étincelant,
Où l’honneur qui lui sert de guide,
Trace, en lettres de diamant,
Le nom de ce héros qui triompha d’Armide.
Mars y lit son devoir, et ne résiste plus ;
Des bras de la déesse avec peine il s’arrache ;
Mais dans son casque, où flotte un effrayant panache,
Que trouve-t-il ? Le nid des oiseaux de Vénus.
Leurs becs sont enlacés par le noeud le plus tendre ;
Renfermant dans leurs coeurs tous les feux de Cypris,
De leur aîle amoureuse ils couvrent leurs petits,
Et contre Mars lui-même ils sauront les défendre.
Le dieu s’arrête et demeure enchanté.
Deux colombes sur lui remportent la victoire ;
Il leur sourit avec sérénité,
Et, sourd pour cette fois à la voix de la gloire,
Il se rejette, il tombe au sein de la beauté.
Tous les amours, par l’ordre de leur mère,
Écartent la trompette, et brisent les clairons ;
Les chants sinistres de la guerre
Sont remplacés par des chansons,
Et les plaisirs de deux pigeons
Retardent quelques jours les malheurs de la terre.

Collection: 
1754

More from Poet

  • Ode anacréontique

    Souffle divin, puissant moteur,
    Dont les impressions soudaines
    Font couler le feu dans nos veines,
    Et le plaisir dans notre coeur :

    Désir, j'adore ton ivresse,
    Tes traits rapides et brûlants,
    Et tes impétueux élans,
    Et ta...

  • Donne-moi, ma belle maîtresse,
    Donne-moi, disais-je, un baiser,
    Doux, amoureux, plein de tendresse...
    Tu n'osas me le refuser :
    Mais que mon bonheur fut rapide !
    Ta bouche à peine, souviens-t-en,
    Eut effleuré ma bouche avide,
    Elle s'en détache à l'...

  • Les étoiles brillaient encore :
    A peine un jour faible et douteux
    Ouvre la paupière de Flore,
    Qui, dans ses bras voluptueux,
    Retient l'inconstant qu'elle adore.
    Le souffle humide d'un vent frais
    Effleure les airs qu'il épure,
    Soupire à travers ces...

  • Quand neuf baisers m'auront été promis,
    Ne m'en donne que huit, et malgré ta promesse,
    Soudain, échappe, ma Thaïs.
    En la trompant, augmente mon ivresse :
    Cours te cacher derrière tes rideaux,
    Dans ton alcôve, asyle du mystère,
    Sous l'ombrage de tes berceaux ;...

  • Oui ; de ta bouche enfantine
    Donne-moi dans ces vergers
    Autant de furtifs baisers
    Qu'Ovide en prit à Corine ;
    Autant (je n'en veux pas plus)
    Qu'il naît d'amours sur tes traces,
    Qu'on voit jouer de Vénus
    Et de beautés et de grâces,
    Sur ton sein,...