La tristesse

L'âme triste est pareille
Au doux ciel de la nuit,
Quand l'astre qui sommeille
De la voûte vermeille
A fait tomber le bruit ;

Plus pure et plus sonore,
On y voit sur ses pas
Mille étoiles éclore,
Qu'à l'éclatante aurore
On n'y soupçonnait pas !

Des îles de lumière
Plus brillante qu'ici,
Et des mondes derrière,
Et des flots de poussière
Qui sont mondes aussi !

On entend dans l'espace
Les choeurs mystérieux
Ou du ciel qui rend grâce,
Ou de l'ange qui passe,
Ou de l'homme pieux !

Et pures étincelles
De nos âmes de feu,
Les prières mortelles
Sur leurs brûlantes ailes
Nous soulèvent un peu !

Tristesse qui m'inonde,
Coule donc de mes yeux,
Coule comme cette onde
Où la terre féconde
Voit un présent des cieux !

Et n'accuse point l'heure
Qui te ramène à Dieu !
Soit qu'il naisse ou qu'il meure,
Il faut que l'homme pleure
Ou l'exil, ou l'adieu !

Collection: 
1830

More from Poet

  • Sur les ruines de Rome.

    Un jour, seul dans le Colisée,
    Ruine de l?orgueil romain,
    Sur l?herbe de sang arrosée
    Je m?assis, Tacite à la main.

    Je lisais les crimes de Rome,
    Et l?empire à l?encan vendu,
    Et, pour élever un seul homme,
    L?univers si bas...

  • Ainsi, quand l'aigle du tonnerre
    Enlevait Ganymède aux cieux,
    L'enfant, s'attachant à la terre,
    Luttait contre l'oiseau des dieux;
    Mais entre ses serres rapides
    L'aigle pressant ses flancs timides,
    L'arrachait aux champs paternels ;
    Et, sourd à la voix...

  • (A un poète exilé)

    Généreux favoris des filles de mémoire,
    Deux sentiers différents devant vous vont s'ouvrir :
    L'un conduit au bonheur, l'autre mène à la gloire ;
    Mortels, il faut choisir.

    Ton sort, ô Manoel, suivit la loi commune ;
    La muse t'enivra de...

  • A Mme de P***.
    Il est pour la pensée une heure... une heure sainte,
    Alors que, s'enfuyant de la céleste enceinte,
    De l'absence du jour pour consoler les cieux,
    Le crépuscule aux monts prolonge ses adieux.
    On voit à l'horizon sa lueur incertaine,
    Comme les...

  • C'est une nuit d'été ; nuit dont les vastes ailes
    Font jaillir dans l'azur des milliers d'étincelles ;
    Qui, ravivant le ciel comme un miroir terni,
    Permet à l'oeil charmé d'en sonder l'infini ;
    Nuit où le firmament, dépouillé de nuages,
    De ce livre de feu rouvre...