Adieu, chants de combat, adieu, cris de victoire,
Récits éblouissants d'une héroïque histoire,
Que les âges futurs nommeront fabuleux !
Adieu, bouches de feu vomissant la mitraille,
Glaives qui rayonnez, quand gronde la bataille,
Comme des éclairs lumineux !
Hier, on entendait la trompette d'alarmes,
La plainte des blessés, le cliquetis des armes,
Le clairon du zouave et le cri des spahis ;
Hier, comme un héros d'une antique épopée,
Brillait du fier pacha la formidable épée,
Étincelante de rubis.
Hier, les lourds canons, épouvantant la terre,
Retentissaient au loin comme un glas funéraire
Qui couvre l'agonie et l'adieu des mourants ;
Hier, les nations, muettes, dans l'attente,
Regardaient en tremblant cette arène sanglante
Où se mesuraient trois géants.
Mais aujourd'hui la paix, divinité sereine,
Découvrant de ses biens la source toujours pleine,
Aux regards du vaincu, comme à ceux du vainqueur,
Vient offrir les douceurs, chères à la mémoire,
De la patrie absente. Hier c'était la gloire,
Mais aujourd'hui c'est le bonheur.
C'est le jour des héros, qui, repliant leur tente,
S'éloignent en vainqueurs de la scène éclatante
Où leurs noms ont brillé dans un drame immortel.
Ils s'en vont radieux, conduits par l'espérance,
Suspendre les lauriers conquis par leur vaillance
Au toit du foyer paternel.
Comme le naufragé sauvé de la tempête,
Les fils de Mahomet, en ce grand jour de fête,
Aux vivats des chrétiens viennent mêler leurs chants,
Et les nobles accents de cette voix sonore
S'élèvent solennels des rives du Bosphore
Aux sommets glacés des Balkans.